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jour du prince Constantin. Je vais me coucher dans une des plus jolies chambres du harem que j’occupe avec Ligne. Je crois que nous parlerons un peu de celles qui ont dû habiter cette chambre avant nous. »


« Mon réveil a été charmant ! Le plus beau temps possible, des arbres bien verts, des buissons de rosiers prêts à fleurir, des quantités de muguets, qui donnent, sous ma fenêtre, une odeur charmante, rendaient le divan sur lequel était mon lit délicieux ! Cependant, je me suis levé de bonne heure. J’ai été voir le prince Potemkin et, de là, chez l’impératrice que j’ai suivie à la messe. Après quoi, nous avons baisé sa main avec les mirzas, les muftis, et les officiers tartares. L’on a dîné. De là j’ai conduit Ligne, Ségur et autres, voir les bois, un café et tout ce qu’il y a d’intéressant. Nous sommes revenus chez le prince qui a fait venir des danseuses arabes qui ont dansé des danses bien dégoûtantes, selon moi. Nous avons été ensuite chez l’impératrice, et, quand elle s’est retirée, l’empereur s’étant approché de l’endroit où Ségur, Ligne et moi étions à causer, nous avons eu une conversation politique bien intéressante. Il y a, en ce moment, une illumination superbe tout autour de la ville, et, demain, avant neuf heures, l’on monte en voiture pour aller dîner à Inkermann et coucher à Sévastopol : aussi la journée sera sûrement intéressante. »


« Ce 1er juin.

« Partis à neuf heures du matin, nous sommes arrivés, à midi, à Inkermann, où nous trouvâmes une jolie maison qui avait, en face, la rade de Sévastopol où l’armée navale était en bataille. L’empereur tut frappé, en arrivant, de voir un régiment tartare en bataille et derrière, une belle armée navale créés, tous deux, d’une manière presque magique. L’on dîna. L’escadre arbora le pavillon impérial que l’impératrice a donné au prince Potemkin. Il est le troisième particulier qui l’ait eu. À l’instant où l’escadre tira, l’impératrice se leva et but à la santé de l’empereur, en disant : « Il faut que je boive à mon meilleur ami. » Elle était aussi heureuse qu’elle devait l’être en voyant sa puissance dans ces mers. L’on sortit de table ; j’embrassai le prince Potemkin de tout mon cœur. Ses succès me font autant de plaisir que si c’était moi qui les aie. Quand l’impératrice sortit, j’étais près d’elle ; je lui dis que, si j’osais, je lui baiserais la main, tant j’étais ému de tout ce que