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incessamment les concessions, se rendant compte des progrès de chacun, de l’état des récoltes, distribuant ici des encouragemens et des conseils, là des avertissemens et des reproches. Juge-t-il qu’un lot de terrain est mauvais ou insuffisant, il propose une échange ou une augmentation ; si l’inondation, le cyclone, la sécheresse, une invasion de sauterelles viennent détruire ou compromettre la moisson, il évalue les dommages et sollicite un secours en vivres ou en semences. Chaque semaine il présente son rapport.

Les renseignemens de l’agent de culture sont contrôlés, non-seulement par le commandant, mais encore par les inspecteurs de la transportation, chargés de faire des tournées dans tous les établissemens pénitentiaires.

On a ainsi des données assez sérieuses sur la production des centres de colonisation pénale ; grâce à ces indications on peut aider les concessionnaires à écouler leurs produits. L’administration en achète un certain nombre, car il est assez naturel que le bagne nourrisse le bagne, mais elle ne peut prendre que ce qui entre dans l’alimentation du forçat. Pour le reste, manioc, bananes, maïs, etc., comment le concessionnaire isolé sur son petit lot de terrain, étroitement attaché à sa glèbe par sa situation pénale, presque toujours, d’ailleurs, talonné par la res angusta domi, parviendra-t-il, sans une efficace protection, à éviter les fourches caudines des marchands ?

C’est afin de remédier à ce danger qu’on a créé des syndicats de concessionnaires dont le plus important est celui de Bourail. Les concessionnaires désignent, pour les représenter, un certain nombre d’entre eux. Ce bureau, qui doit être agréé par l’administration, reçoit d’elle la faculté de faire certaines opérations commerciales et on met à sa disposition de vastes magasins qui serviront d’entrepôt à tous les produits de la circonscription. Cela permet au syndicat de résister, si besoin est, à la pression des négocians de Nouméa, car ces derniers, qui ne trouvent point à s’approvisionner chez les colons libres, se verraient réduits, s’ils ne s’entendaient pas avec les syndicats, à faire venir toutes leurs denrées d’Australie et à payer un fret élevé. Chacun trouve donc son compte à se montrer raisonnable.

L’association des concessionnaires de Bourail et celles qu’on a créées sur le même modèle fonctionnent parfaitement et rendent de très grands services. Les abus y sont très rares et ce fait est digne de prendre rang parmi les paradoxes en action que j’ai notés déjà ; car on ne doit pas perdre de vue que le trésorier et le secrétaire du syndicat sont, le plus souvent, d’anciens faussaires émérites. Toujours l’influence des milieux ! Voilà de bonnes mesures destinées à