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fortunes s’élèvent moins rapidement. Mais nos compatriotes ont pris assez solidement pied dans le pays pour profiter des avantages que l’industrie manufacturière offre dans les premiers temps du régime protectionniste. Plusieurs d’entre eux ont monté des fabriques de cotonnades. Celle de Rio-Blanco près d’Orizaba, qui utilise une chute hydraulique de 1,400 chevaux et est installée sur un pied égal à celui des grandes filatures européennes, a été fondée presque exclusivement avec des capitaux fournis par les Barcelonnettes. Déjà dans leurs magasins, les étoffes du pays, de qualités communes, se mélangent aux étoffes françaises. Le régime protectionniste, que nous encourageons dans le monde entier par notre exemple, aura pour résultat de restreindre nos exportations aux produits de grand luxe.

À Mexico, une société de bienfaisance très prospère groupe les Français et entretient chez eux le culte de la patrie. Elle soutient un hôpital où nos nationaux indigens sont soignés gratuitement. Elle a créé un cimetière qui est devenu le plus recherché de la ville, en sorte que la vente des concessions lui permet de faire face aux lourdes charges qu’elle a assumées. Sa prospérité est due en grande partie au dévoûment de son président, M. Diehl, un patriote alsacien, qui depuis de longues années dirige une des premières maisons de commerce sur la Plazza mayor. En 1883, après une longue interruption, les rapports diplomatiques ont été renoués entre la France et le Mexique. Nous avons un ministre plénipotentiaire à Mexico et des agens consulaires dans les principales villes. Malheureusement nos ministres, — il y a eu dans le nombre des hommes distingués, — se succèdent si rapidement qu’ils n’ont pas le temps d’acquérir une influence personnelle, la seule possible pour le représentant d’une puissance européenne. Notre colonie doit donc se suffire à elle-même et elle a appris de longue date à le faire. Pendant l’intervention française elle avait eu la sagesse de rester étrangère aux luttes des partis ; quand nos troupes se sont retirées, nos négocians n’ont été nulle part molestés et l’on ne vit pas se renouveler les scènes qui s’étaient produites à Puebla en 1863, au moment où la victoire éphémère du 5 mai avait grisé les têtes mexicaines. Aujourd’hui, quand nos compatriotes célèbrent la fête du 14 juillet, qui à l’étranger n’a aucun caractère de parti, ils reçoivent des témoignages unanimes de sympathie de la part de la population.


IX

Il y a une vingtaine d’années, l’industrie manufacturière était uniquement représentée par les arts et métiers qui ne peuvent