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Les grands propriétaires mexicains ne résident pas sur leurs domaines. Ils les font gérer par un régisseur et des employés intérieurs, ce qui n’est pas bon pour les rapports ruraux. Eux-mêmes vivent à la ville et les plus riches se font envoyer en Europe le produit de leurs exploitations. Longtemps, l’insécurité qui régnait dans les campagnes avait été un obstacle absolu à la résidence des propriétaires comme à toute amélioration. Aujourd’hui ils ne craignent pas d’employer des capitaux à construire des sucreries, des distilleries, à faire des tramways, à planter des caféiers ou des agaves, selon les climats. Ils vont même de temps en temps passer quelques semaines dans leurs haciendas. On ne saurait trop souhaiter que les habitudes de sport rural et la vie de château se développent au Mexique. Les populations en bénéficieraient à la longue. Malheureusement, les révolutions et aussi, disons-le, l’incapacité, la paresse, ont détruit beaucoup d’anciennes familles. Un grand nombre d’haciendas sont tombées entre les mains de nouveaux enrichis, d’usuriers espagnols, qui les exploitent sans avoir l’esprit charitable qu’avaient au plus haut degré les Mexicains d’autrefois. D’autres sont achetées par des compagnies américaines ou anglaises, qui réalisent de grands progrès agricoles, mais ne se préoccupent en rien du sort des populations qui leur fournissent le travail.


VI

Une des causes du grand développement des États-Unis a été l’excellent régime de cadastration et de vente des terres non occupées par le gouvernement fédéral, régime qui, avec quelques modifications secondaires, remonte à 1787. Quoique la république mexicaine eût hérité de la Couronne d’Espagne le domaine de toutes les terres vacantes, elle n’avait pratiquement point de terres publiques à mettre en vente et à offrir aux colons jusqu’en 1883. Les concessions de propriétés faites par les gouvernemens successifs portaient souvent sur des étendues désignées d’une manière très vague. Puis les grands propriétaires, les villes, les communautés indiennes elles-mêmes avaient occupé les terrains adjacens pour le pâturage ou au moins élevaient des prétentions à leur possession.