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Cordoba, en pleines terres chaudes. La partie boisée est de beaucoup la plus considérable. 1,344 hectares dans les bas-fonds sont complantés en cannes à sucre, et 1,100,000 plants de caféiers poussent à l’ombre de grands bois parfaitement nettoyés. Au centre, dans l’enceinte de la résidence manoriale, se trouvent une sucrerie à vapeur, une distillerie d’eau-de-vie, la chapelle, les tiendas, près de quatre-vingts-petites maisons en pierres pour les familles attachées d’une manière permanente à l’exploitation. En outre, plus de cinq cents manouvriers y sont employés habituellement. Ils vivent dispersés dans la partie montagneuse du domaine où ils cultivent le maïs nécessaire à leur nourriture sur des défrichemens temporaires faits dans la forêt. Nous n’avions pas trouvé cette combinaison dans l’autre hacienda. Un règlement visé par l’administrateur du district et affiché dans le bureau de l’intendant constitue la lex terrœ. Il rappelle que personne ne doit s’établir sur la terre sans un titre écrit émané de l’intendant et qui n’est valable que pour un an. Tous ceux qui s’établissent sur le domaine doivent une redevance annuelle de 12 piastres pour l’habitation, de 30 piastres pour leur culture et de 4 piastres pour le pâturage de leurs bestiaux. En outre, ils doivent faire deux journées par semaine sur l’hacienda qui leur sont payées à un prix fixe correspondant, d’ailleurs, aux salaires courant ; ils doivent réparer les chemins et se conformer à certaines règles pour le bon ordre du domaine. Ils ne peuvent prendre du bois de construction ou de chauffage sans la permission de l’intendant. Le règlement prévoit le cas où des individus viendraient s’établir sans titre sur les terres vagues du domaine et y feraient des défrichemens ; il leur impose d’office dans ce cas les redevances fixées plus haut. Ne sont-ce pas les hospites et les advenœ des textes carlovingiens ?

On appelle du nom générique de peones les travailleurs agricoles de toutes ces catégories. Ils sont essentiellement libres. Mais leur défaut de toutes ressources propres les place forcément sous la dépendance de fait des propriétaires. Ceux-ci ont nourri les Indiens qui travaillent sur leurs terres pendant la disette dont une grande partie du pays a souffert pendant les deux dernières années. Ce patronage peut quelquefois entraîner des abus. Il est arrivé que les autorités administratives ont obligé un cultivateur à rester au service d’un propriétaire jusqu’à ce qu’il se fût acquitté du montant des avances qu’il en avait reçues. Une servitude déguisée résulterait de cette pratique : elle est essentiellement illégale et donnerait ouverture pour celui qui en serait victime au recours devant les tribunaux fédéraux appelé juicio de amparo. Une coutume très différente en réalité et que l’on appelle le peonage existe dans d’autres États. M. Romero la décrit ainsi d’après son expérience