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templadas et des tierras calientes ; elles réunissent les produits de tous les climats. Aussi les premières améliorations que font les propriétaires intelligens consistent en l’établissement de tramways à chevaux, de chemins de fer Decauville, de ponts tubulaires en fer, jetés sur les barrancas, pour rendre les transports possibles[1].

Quelque bas que soit resté jusqu’ici le prix de la terre, les haciendas représentent des valeurs considérables : 200,000 piastres est le prix d’une petite : une grande en vaut facilement un million, même sans que les systèmes de culture aient été transformés. Les exploitations moyennes qu’on appelle ranchos, et que les statistiques européennes rangeraient sans hésiter dans la très grande propriété, n’ont pu se constituer que dans la banlieue des villes ou dans quelques États plus peuplés et plus industrieux que les autres, comme celui de Guanajuato. Partout ailleurs, elles auraient été comme étouffées entre les grands domaines voisins.

Quoique les droits de l’homme et du citoyen soient inscrits en tête de toutes les constitutions et que les services coutumiers auxquels les Indiens étaient soumis du temps des Espagnols aient été formellement abolis, en fait, les haciendas mexicaines ont la même organisation économique que celle des fisci de l’époque carlovingienne, telle que nous la connaissons par le polyptique d’Irminon. On en jugera par les notes que nous avons prises sur deux d’entre elles.

La première, située dans l’État d’Hidalgo à dix lieues de Mexico en tierra fria, est consacrée à la culture du blé, de l’orge, du maïs, à l’élevage du bétail et surtout à la production du pulque auquel le voisinage de la capitale assure un débouché très lucratif. Elle comprend 20,399 hectares sur lesquels 5,164 plantés en agaves, 11,650 en terres de labour, 2,424 en pâturages ; 1,154 hectares de terrains arides complètent le chiffre total : deux ou trois barrages

  1. Exploitées comme elles le sont généralement, c’est-à-dire selon une routine invétérée et en laissant une grande partie de leur contenance en friches, les haciendas se vendent à un taux de capitalisation du revenu qui représente le 8 ou le 9 pour 100. Des améliorations scientifiques et des incorporations judicieuses de capitaux peuvent élever ce rendement dans des proportions considérables. Mais la première condition est la résidence ou une surveillance très étroite du propriétaire. Des capitalistes européens éprouveraient, croyons-nous, des mécomptes à acheter des haciendas en tierra fria ; car il est très difficile d’en tirer parti autrement qu’en se pliant aux coutumes des Indiens. Nous exceptons cependant les immenses espaces du Nord, qui ne valent actuellement presque rien et qui prendront forcément une certaine plus-value. Ce sont les grandes haciendas des tierras templadas et des tierras calientes, celles surtout où il y a des forêts, dont l’acquisition est en principe avantageuse aux capitalistes de l’Europe suffisamment riches pour, après les avoir payées, y incorporer les capitaux suffisans.