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sont très bon marché à la campagne lorsque la récolte a été abondante ; seulement dès qu’il faut recourir à l’importation, soit de l’étranger, soit même d’une province voisine, les frais de transport et les charges du commerce sont si élevés que les prix montent à un niveau très supérieur à celui des États-Unis et deviennent des prix de famine[1].

L’Indien vit grâce à la douceur du climat qui lui permet de se contenter d’une hutte en pisé (adobe) dans les tierras frias, et ailleurs d’une simple cabane de feuillages, de se couvrir avec des vêtemens de coton très légers, auxquels il ajoute seulement une couverture, zarape, et une sorte de voile faisant châle pour sa femme, rebozo. Sa nourriture est purement végétale. Jamais il ne mange de viande et il ne touche que rarement à la volaille qu’il élève en abondance. Sa vente lui procure les quelques centavos nécessaires à acheter ses vêtemens, des verroteries de fabrication allemande et surtout le pulque avec lequel il s’enivre. Cette boisson, qui contient 20 degrés d’alcool, est fort épaisse et constitue en même temps une nourriture. Malgré les droits fiscaux dont sa circulation et son débit sont chargés, elle reste très bon marché dans les hauts plateaux qui avoisinent Mexico. Dans la région qui la produit, l’ivrognerie atteint des proportions énormes ; mais il y a peut-être du vrai dans ce que disent les apologistes du pulque, c’est qu’il est nécessaire pour combattre les effets de la scrofule, développée par une nourriture insuffisante et les conditions malsaines du logement.

L’Indien se marie de bonne heure et a beaucoup d’enfans ; toutefois la mortalité dans le bas âge, par suite de mauvaises conditions hygiéniques, est telle que la population s’accroît fort lentement. La sélection n’en fait que mieux son œuvre, et, une fois adulte, l’Indien a une endurance, une capacité à porter des fardeaux et à faire de longues marches qui dépasse celle de toutes les autres races. Par la même raison, les cas de longévité sont très fréquens.

Mais aux champs ou dans une manufacture, il rend peu de travail. La cause en est morale autant que physique. L’Indien de race pure ne cherche pas à améliorer son sort ; eût-il des salaires plus élevés, ils passeraient à la pulqueria. Quand il a gagné de quoi se soûler et se nourrir de frijoles, il refuse de travailler davantage. Ce trait de son caractère est d’autant plus curieux qu’il

  1. Dans le travail que nous avons cité plus haut, M. Romero donne un tableau des prix des principales denrées dans la ville de Mexico ; ils sont très supérieurs à ceux des États-Unis ; mais il faut tenir compte de ce que Mexico doit s’alimenter par une importation considérable des parties éloignées du pays. La magnifique vallée qui l’entoure n’est pas assez grande pour le nourrir.