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travail intensif. La population est très peu dense dans toute cette région. La même difficulté existe dans la Basse-Californie et la Sonora. Les Indiens yakis, que les troupes mexicaines ont soumis après des luttes acharnées, font de médiocres ouvriers et leur nombre est insuffisant. Des traitans américains ont commencé à introduire dans les terres chaudes des naturels des îles océaniennes qu’ils engagent comme travailleurs libres, mais qui sont exploités par les planteurs comme des bêtes de somme à la vie desquels personne ne s’intéresse. Si l’on veut vraiment développer l’agriculture, il faudra appeler les Chinois qui, repoussés de toutes parts, seraient heureux d’y trouver un débouché à leur population surabondante. Les chances de mortalité ne les effraient pas : ils l’ont prouvé aux travaux de Panama. Dans les terres tempérées et dans les terres froides, le climat conviendrait aux émigrans du Midi de l’Europe. Mais la présence d’une population considérable de travailleurs de race indienne, à qui leur genre de vie permet de se contenter d’un salaire infime, écarte l’Européen qui n’apporte que sa force physique.

D’une manière générale, il n’y a place au Mexique que pour un petit nombre d’ouvriers d’art dans la capitale et deux ou trois grandes villes, pour des commerçans et des capitalistes prêts à monter des usines ou à exploiter de grandes cultures dans le reste du pays. En ce moment, des vignerons du Languedoc pourraient trouver à Parras et autres centres, où l’on s’efforce de créer des vignobles, des conditions d’établissement avantageuses. Mais c’est un fait exceptionnel. Quelques petites colonies agricoles françaises ou belges, qui ont fini par réussir après bien des vicissitudes, ne prouvent rien non plus, et c’est avec raison que les grandes masses populaires se détournent du Mexique pour se porter au nord aux États-Unis et au Canada, au sud au Brésil, dans la République argentine et la République orientale. Beaucoup de Portugais vont en Californie. Même les émigrans de l’Italie du Sud, qui sont le peuple européen ressemblant le plus aux Mexicains, comprennent qu’ils trouveraient en eux des concurrens au milieu desquels ils ne pourraient se faire une place. Aussi, au prix de mille avanies, prêtèrent-ils s’établir dans la grande république voisine où ils finissent par prendre pied.

Cette absence d’immigration européenne en quantité considérable différencie complètement le Mexique et les petites républiques voisines, démembrées de l’ancienne vice-royauté de la Colombie, des autres États de l’Amérique du Sud, du Brésil, du Chili et surtout des pays de La Plata. Là, les conquérans s’étaient trouvés en présence de tribus de chasseurs qu’ils exterminèrent ou