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modérée, on a deux types de tempérament actif ; et cette subdivision, on le voit, n’a rien d’artificiel. Ajoutons que, dans l’activité, la vitesse et l’intensité vont fort bien ensemble, tandis qu’elles se séparent souvent quand il s’agit de sensibilité. C’est que la sensibilité est l’action du dehors pénétrant en nous et n’y pouvant pénétrer très avant qu’à la condition d’avoir une certaine durée. Au contraire, l’activité motrice est notre propre énergie se détendant sur le dehors : plus la force qui lance la flèche est intense, plus son effet est rapide.

La grande énergie des échanges nutritifs chez les tempéramens dépensiers produit un afflux du sang dans toutes les parties de l’organisme, et avec le sang, un nouvel afflux de force motrice. En même temps, leur nutrition et leur circulation actives sont des « excitans » qui tendent à produire des décharges vers les muscles. Les cellules, étant sans cesse réintégrées et désintégrées, agissent et réagissent l’une sur l’autre, comme autant d’êtres vivans dont chacun tend à l’exaltation de sa fonction propre. Ce grand mouvement vital à l’intérieur diminue l’impressionnabilité aux choses du dehors, tout en portant à agir sur ces choses mêmes pour y dépenser le trop-plein de l’énergie.

Les actifs à réaction prompte et intense répondent assez à ce que les anciens appelaient le tempérament « colérique, » c’est-à-dire bilieux : mais il ne faut pas attribuer ici à la bile un rôle qu’elle n’a point. Chez les sanguins, le sang joue certainement un rôle dominateur ; chez les prétendus bilieux, la bile joue un rôle secondaire. Chez eux il y a rapide consommation d’oxygène ; le mouvement de nutrition intime est prompt et actif ; la dépense prédomine, mais le système musculaire a l’énergie nécessaire pour y suffire. Le sang est moins riche en globules que chez le sanguin et il est plus désoxygéné. On dit que les bilieux ont le « sang chaud ; » il est en effet naturel que l’intensité des échanges chimiques développe une certaine chaleur, qui se fait sentir surtout au cerveau. Carlyle, au lieu du mot tempérament, disait : ma température, Si la face du « bilieux » est d’ordinaire pâle, c’est précisément parce que son sang est vite désoxygéné par la prédominance de la désintégration ; si sa peau est souvent olivâtre et brune, c’est que le pigment, produit de désintégration, est abondant ; le même motif entraîne la couleur généralement noire et brillante des cheveux et des yeux. Le corps est robuste, mais sec. Tout traduit aux regards le mouvement intense des échanges vitaux. Dans les pays chauds, l’influence d’une ardente insolation précipite encore le mouvement nutritif intestin : de là ce tempérament bilieux ou nervo-bilieux si fréquent parmi les peuples du Midi et de l’Orient.