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trop tôt compensé par le mouvement de recette, ne se communique pas aux fibres motrices ou se communique affaibli. Il y a donc disproportion entre cette sensibilité qui est vive et cette réaction motrice qui est faible : la tonicité n’est pas égale des deux côtés. Le courant général de la vie demeure en excédent d’intégration, au lieu de réussir à être proportionnellement « désintégrateur. » Aussi les nerfs, comme des cordes bien tendues, vibrent facilement et rapidement, mais ils reprennent trop tôt leur équilibre, par une sorte d’élasticité exagérée. Le cerveau, à son tour, tend à se décharger tout de suite et à dépenser sur le moment même, par les voies les plus faciles, l’ébranlement que les nerfs lui ont communiqué. Or, quelles seront les voies les plus faciles pour un tempérament dont la direction générale est vers la réintégration, non vers la dépense ? Ce seront les actes exigeant un effort peu soutenu ; ce seront, de préférence aux actes, les paroles, les gestes, les mouvemens de la physionomie ; ce seront enfin les émotions plus ou moins fugitives et peu profondes. C’est donc de ces côtés que réagira de préférence un tempérament plus porté à la réintégration de l’énergie qu’à sa dépense, et ayant de plus une trop grande rapidité de réaction. Chez un tempérament de ce genre, il n’y aura pas longue élaboration, ni, par conséquent, organisation très durable des phénomènes mentaux. Un certain temps est nécessaire et pour la pleine conscience et pour le souvenir. La « vitesse infinie de la pensée » est chose illusoire : la détermination de l’équation personnelle chez les astronomes avait déjà dissipé l’erreur ; les méthodes récentes de la psychologie physiologique ont permis de mesurer la vitesse moyenne des actes les plus élémentaires de l’esprit. Leur durée ne doit être ni trop grande ni trop petite, mais elle doit être d’autant plus grande que le phénomène mental est plus complexe, qu’il exige une plus longue élaboration dans les centres nerveux. Le retard entre l’excitation et la réaction n’est donc pas du temps perdu, comme on pourrait le croire ; il exprime l’élaboration subie le long du chemin par l’impression première. En interposant des résistances dans un circuit électrique, on peut obliger l’électricité à se traduire sous forme de lumière, de chaleur, de travail mécanique ; ainsi les retards du courant nerveux entraînent des traductions diverses, sous forme de pensée, de sentiment, de volonté.

Chez le tempérament trop exclusivement sanguin, les retards sont insuffisans et la réaction est trop rapide : de là le peu d’intensité et de durée dans les résultats. C’est le pendant de ces mémoires promptes à apprendre et non moins promptes à oublier, parce qu’elles n’ont pas eu besoin de grands efforts ni de longue réflexion. En outre, une impression nouvelle chassera bientôt