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leurs chapeaux, gesticulent, se poussent et s’enchevêtrent, en renversant les chaises, devait, dans une cérémonie grave, conserver encore quelque dignité. M. Roll n’a pas manqué d’y penser. Ce qui l’a plus gêné, malgré la présence de quelques fonctionnaires, civils ou militaires, en uniformes éclatans, malgré l’agréable mélange de quelques dames en toilettes claires, c’est la monotonie des habits noirs beaucoup trop nombreux. Pour varier l’aspect de ces noirs mats et opaques, l’artiste s’est donné une peine infinie ; les premiers plans de son tableau n’en gardent pas moins un certain aspect triste et sourd qu’égaie imparfaitement la verdure poussiéreuse des arbres du parc rangés au loin sous un ciel chaud et clair. Cependant, comme paysagiste, M. Roll a fait rarement un morceau plus aéré et plus juste que le fond de cette grande représentation. On y reconnaît la justesse de vision et la sincérité d’impression qui sont ses qualités essentielles. En ce qui concerne le caractère des figures accumulées sur les premiers plans et dont beaucoup sont des portraits fort reconnaissables, nous aurions plus de restrictions à apporter dans nos éloges ; c’est là, dans l’incertitude des proportions, dans la mollesse des attaches, dans l’indécision des types, que se trahit de nouveau, en plus d’un endroit, malgré un visible effort de volonté, cette incertitude du dessin, qui, chez M. Roll comme chez M. Puvis de Chavannes, ne permet point à la personnalité énergique, mais incomplètement armée, de dépasser un certain niveau de perfection. Quoi qu’il en soit, l’œuvre est puissante, vivante, intéressante et marquera parmi les représentations les plus consciencieuses et les plus curieuses de la vie publique du XIXe siècle. Ajoutons que c’est une œuvre bien française par la franchise, la liberté, l’intelligence de l’arrangement autant que par les qualités simples et loyales de l’exécution.

En dehors des toiles de MM. Puvis de Chavannes et Roll, la grande peinture, décorative ou historique, tient une fort petite place au Champ de Mars. On y pense, en général, cela est visible, plus à l’amateur qu’à la gloire. On doit mentionner, par exception, les Fêtes du sixième centenaire de la Faculté de médecine de Montpellier en 1890, par M. Leenhardt, où la vivacité des colorations et le mouvement des figures ne font malheureusement pas oublier l’insuffisance générale de l’exécution. M. Dagnaux a fait un meilleur morceau de peinture dans son étude d’un groupe de flâneurs et de flâneuses assis, par un beau temps, dans l’avenue du Bois-de-Boulogne, le Club des pannés ; les dessous ne sont pas encore très fermes ni très sûrs, mais l’aspect général est naturel et joyeux et rappelle les Roll et les Gervex des bons jours. La meilleure figure rustique, en grandes dimensions, est celle du paysan, dans la Mort et le Bûcheron, de M. Lhermitte. La