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revendiquées intrépidement sous Louis XI lui-même et Charles VIII, accrues sans cesse comme une terre fertile entre les mains d’enfans économes, qui les rendirent si fidèles à leurs souverains et firent de cette nationalité « une forme de république ayant nom monarchie, préférable à toutes les autres. » En 1507, les commissaires de Charles-Quint demandent aux États un don libéral et gratuit : ce don est voté par les trois ordres, qui imposent des conditions, fixent les termes du paiement, choisissent des délégués pour répartir le subside, s’imposent une somme distincte ou surjet pour les besoins du pays ; en revanche, le souverain reconnaît que ce don volontaire n’engage en rien les libertés de la Comté, prête serment de les respecter, s’oblige à envoyer des lettres de non-préjudice. Et n’est-ce pas une excellente école de gouvernement d’être ainsi appelé à voter ces dons ? n’est-ce pas, dans une certaine mesure, être admis à discuter les actes du souverain, à jeter les yeux par-delà les frontières, à juger les traités, les alliances et les guerres ? En échange de l’impôt du sang, du service militaire pour les fiefs, la noblesse demeure exempte du don gratuit ; « cent ans bannières, cent ans civières, » ce vieux dicton révèle assez exactement le profond dommage causé aux fortunes féodales par des guerres trop fréquentes. Un fauteuil pour le prince d’Orange, un autre pour le comte de Montbéliard, voilà les seules distinctions admises dans la chambre de la noblesse, plus libérale en ceci que la chambre du tiers qui ferme jalousement ses portes aux députés campagnards, et n’admet dans aucune commission ceux des bourgs et prévôtés. Quant au clergé, il proteste continuellement contre les charges sous prétexte de pauvreté. Que quelques-uns, comme Granvelle, homme d’autorité avant tout, aient vu dans les États une diabolique invention contre la royauté, et feint de les considérer comme des oppresseurs du peuple, que ces assemblées aient commis des fautes, offert des primes à l’envie, à la cupidité, abusé du droit de délier les cordons de la bourse, rien de plus certain. Et cependant Philippe II lui-même est l’auteur de l’ordonnance qui consacre solennellement la complète liberté du don gratuit ; à la différence des États de France, ceux de la Comté maintinrent énergiquement le libre vote de l’impôt, et, en fin de compte, le budget de l’indépendance semblait infiniment moins lourd que celui de l’absolutisme. Le serment du prince à son avènement, l’obligation pour lui de convoquer les membres des États par lettres individuelles signées de sa main, la présence d’un magistrat comtois au conseil privé des Pays-Bas, le privilège de ne pouvoir être appelés en cause hors de la province, tous les emplois, la dignité de gouverneur, les fonctions du parlement réservés aux hommes du pays, les États