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de vapeur d’eau pour douze heures de jour. De nuit, la transpiration est plus faible ; elle n’atteint guère que le cinquième de l’évaporation diurne. Ce seul exemple suffit à montrer combien les végétaux sont gros producteurs de vapeur d’eau. Et si l’on réfléchit que pour les États-Unis, par exemple, d’après M. J.-M. Anders, la surface foliaire est au moins le quadruple de la surface terrestre, on voit combien est important le rôle des végétaux au point de vue qui nous occupe en ce moment, et on ne s’étonne point, si certains physiciens ont pu évaluer à 72 trillions de tonnes ou de mètres cubes la quantité d’eau contenue sous forme de vapeur dans l’atmosphère.

Cette vapeur d’eau, répandue dans l’air en proportions très variables d’ailleurs, selon les lieux, le moment, et nombre de conditions que je n’énumérerai pas, a une importance considérable pour la vie. L’air trop sec irrite les organes respiratoires ; l’air trop humide entrave la transpiration, ou plutôt s’oppose à ses effets bien-faisans : il est donc bon que l’atmosphère renferme une certaine quantité d’humidité. Celle-ci joue encore un autre rôle, de plus grande importance. Elle crée entre le sol même et les espaces célestes un écran bienfaisant, qui de jour tempère la chaleur du soleil, en absorbant une partie de celle qu’il envoie à la terre, et en l’empêchant de brûler le sol et la végétation ; et qui, la nuit, inversement, s’oppose à un refroidissement trop considérable par rayonnement. En effet, la vapeur d’eau qui laisse passer les rayons calorifiques lumineux absorbe une très grande proportion des rayons calorifiques obscurs, qu’ils soient émis par le soleil, ou la terre, ou toute autre source, et les expériences de Tyndall et de Pouillet en particulier ont montré que l’air, grâce à la vapeur d’eau qu’il renferme, absorbe à peu près le quart de la chaleur solaire et ne laisse arriver que les trois quarts de celle-ci à la terre. Sans cet écran, ce filtre, nos journées d’été seraient bien plus chaudes à la fois, et plus froides, comme l’est la température des pics élevés, ou celle que l’on rencontre aux grandes hauteurs dans les ascensions aéronautiques. Plus on est élevé, en effet, et plus l’épaisseur de la couche de vapeur d’eau interposée entre l’observateur et le soleil est faible. Dans ces conditions, le soleil est brûlant ; ses rayons, passant plus librement, échauffent fortement tous les objets, et d’autre part, l’air ambiant est très froid, puisqu’il est pauvre en vapeur d’eau et n’absorbe que très peu de chaleur. Aussi, sans vapeur d’eau, nos journées d’été seraient torrides et glacées à la fois : le soleil nous brûlerait, mais l’air serait froid, et à l’ombre, le rayonnement considérable déterminerait des températures très basses.