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vraisemblable en tout cas, et ce gaz qui, selon quelques physiologistes, présiderait à notre entrée dans ce monde en provoquant l’accouchement, interviendrait encore pour nous en aplanir la sortie.

Ce n’est toutefois pas là toute l’action de l’acide carbonique dans la vie. Il remplit un rôle plus actif, plus essentiel, et d’un vif intérêt, que nous ne saurions passer sous silence.

Tous les animaux, directement ou indirectement, se nourrissent de plantes, et les plantes empruntent au sol la plupart de leurs élémens minéraux. L’azote, elles le prennent à l’atmosphère ; de même pour l’oxygène. Mais où prennent-elles le carbone dont leurs tissus sont si richement pourvus ? Deux sources se présentent. L’acide carbonique se trouve dans le sol, où il est combiné avec différens corps sous la forme de carbonates, et dans l’humus, dans la terre superficielle composée de débris de feuilles, de branches, de racines, mortes et décomposées, de mousse, de fougères flétries, etc. Mais nous ne pouvons tenir compte du carbone de l’humus, car les premières plantes n’ont pu en faire usage. Ce serait donc aux carbonates du sol que les plantes prendraient le carbone qui leur est nécessaire, comme l’ont cru Mathieu de Dombasle et nombre d’agriculteurs et de chimistes après lui. Les expériences de Sprengel, de Saussure, et d’autres encore, ont cependant montré que le rôle des carbonates est moindre qu’on ne l’avait pensé, et, plus récemment, Liebig a établi que les plantes se développent très bien dans un sol privé de carbonates. Mais alors où prennent-elles leur carbone ? On sait aujourd’hui que c’est dans l’atmosphère. Elles ont la faculté de décomposer l’acide carbonique de l’air, — les 41 millions d’hectares cultivés de la France absorbent, à eux seuls, au moins 60 millions de tonnes de carbone par an, — et de mettre en liberté ses élémens, l’oxygène qui se dégage, le carbone qu’elles fixent dans leurs tissus. Ce travail important ne s’effectue toutefois qu’à deux conditions : il faut que la plante soit pourvue de chlorophylle, cette matière verte qui donne leur couleur aux feuilles ; il faut encore de la lumière solaire et une température pas trop basse. La chlorophylle, en effet, n’opère la décomposition de l’acide carbonique qu’à la lumière et dans certaines conditions de température ; au froid ou à l’obscurité, elle cesse de fonctionner, et si elle n’est pas en assez grande abondance, si les feuilles manquent, la plante souffre et meurt, faute d’alimens. Car, il le faut bien remarquer, la fonction chlorophyllienne est une fonction de nutrition, absolument distincte de la fonction respiratoire, dans laquelle, comme chez les animaux, la plante absorbe de l’oxygène et rejette de l’acide carbonique, et ces deux fonctions ont une