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rencontre donc chez les tissus animaux comme chez certains microbes. Et pourtant les uns et les autres ont besoin d’oxygène.

Pas d’oxygène, pas de vie ; excès d’oxygène, pas de vie non plus ; telle est la conclusion imposée par les faits.

Passons à l’azote. Son nom l’indique : il est impropre à l’entretien de la vie, et si nous mettons un animal quelconque ou une plante dans une atmosphère d’azote, la mort survient sans tarder. Ce n’est pas que l’azote soit toxique, — nous en inspirons sans inconvénient une quantité considérable, — mais il est inerte, inutile, incomburant et incombustible. Son rôle respiratoire est donc nul, et il semblerait qu’il n’eût d’autre fonction dans l’atmosphère que de tempérer l’action de l’oxygène. Une atmosphère d’oxygène serait rapidement mortelle par les lésions pulmonaires et par l’intoxication des tissus ; mélangé avec un gaz inerte, l’oxygène ne pénètre dans l’organisme qu’en quantité modérée ; l’azote le tempère comme l’eau tempère l’alcool du vin. C’est là un rôle très utile à la vérité, mais d’ordre négatif. Et, d’autre part, peut-on attendre autre chose d’un gaz inerte ?

Si l’on tient compte, pourtant, de la constitution chimique des êtres vivans et de l’abondance avec laquelle l’azote s’y rencontre ; si l’on tient compte encore du fait que l’azote forme les quatre cinquièmes de l’atmosphère et que les animaux meurent quand, à l’exemple de Magendie, on les prive d’alimens azotés, il semble que ce gaz doit jouer quelque autre rôle, plus actif et plus important. Partons de ce fait bien établi : la nécessité des alimens azotés pour l’entretien de la vie des êtres supérieurs. Comment les végétaux, qui fournissent directement ou indirectement la nourriture des animaux supérieurs, peuvent-ils s’approvisionner d’azote ? Il est naturel de penser qu’ils l’empruntent à l’atmosphère. Mais comment ? C’est là une question dont les agronomes et les chimistes se sont beaucoup occupés, et en France, notamment, Boussingault, MM. Berthelot, Dehérain et George Ville ont consacré un temps considérable à son étude. Ils ont vu que certaines plantes s’emparent de l’azote sous forme de nitrates formés par la combinaison de l’acide azotique de l’air avec les substances du sol, ou sous forme de vapeurs ammoniacales. Mais M. Berthelot avait, il y a quelques années, montré que, selon toute vraisemblance, il existe un autre facteur dans le problème, et que le sol contient sans doute des microbes jouissant de la faculté de rendre l’azote de l’air assimilable par les végétaux. Un travail des plus importans, récemment paru, et du à deux savans allemands, MM. Hellriegel et Wilfarth, a pleinement confirmé cette hypothèse. Ces auteurs ont vu, en effet, que certaines plantes, les légumineuses