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Boussingault a calculé, — voici longtemps déjà, — que la ville de Paris, à elle seule, produit, par les hommes et les chevaux, près d’un demi-million de mètres cubes par 24 heures. Ce chiffre peut être considérablement accru aujourd’hui, et si l’on évalue la population humaine totale du globe à un milliard, on arrive à conclure que l’homme seul déverse dans l’atmosphère un milliard de kilogrammes, ou 480 millions de mètres cubes d’acide carbonique par jour, c’est-à-dire 175,200 millions de mètres cubes par an ! Il est malaisé de dire au juste quelle est la production par les animaux, mais elle est certainement double ou triple, d’après Girardin, et nous pouvons compter, pour la production des animaux et de l’homme, 700 milliards de mètres cubes par an. Joignons-y la production des végétaux, qui tous respirent comme les animaux et exhalent de l’acide carbonique ; les torrens déversés par les combustions du bois, de la houille, de tout ce qui brûle en un mot, — et en Europe il s’extrait et se consomme plus de 550 millions de tonnes par an, soit 80 milliards de mètres cubes d’acide carbonique, — joignons encore la lente production de toute la surface terrestre où se font des combustions végétales ; tenons compte des sources minérales, — celles d’Auvergne, d’après Lecoq, donnent près de 7 milliards de mètres cubes d’acide carbonique par an ; tenons compte encore de la production des volcans et de leurs alentours, — le Cotopaxi, d’après Boussingault, en exhale plus que tout Paris, — des sources naturelles par où ce gaz sort des profondeurs terrestres (grotte du Chien de Naples, et autres du même genre), et nous ne serons pas surpris si M. Armand Gautier arrive à conclure que la production d’acide carbonique atteint 2,500 milliards de mètres cubes par an. Encore est-il certain que le calcul demeure en-deçà de la vérité, et que le chiffre réel est plus élevé.

En présence de cette formidable production, on a le droit de s’étonner combien la proportion de l’acide carbonique dans l’atmosphère demeure faible, étant donné qu’il est aisé de calculer le chiffre qu’atteindrait cette proportion en dix, vingt ou cent ans, s’il n’existait quelque cause de destruction de ce gaz, et que cette proportion deviendrait rapidement fatale aux êtres vivans. Aussi peut-on être assuré qu’il existe des mécanismes puissans, par lesquels ce gaz est éliminé de l’atmosphère, à peu près dans les proportions où il est produit. Nous connaissons trois de ces mécanismes : les animaux, les végétaux et la mer. Les plantes tout d’abord, qui par leur fonction respiratoire exhalent de l’acide carbonique, en absorbent par leur nutrition une bien plus grande quantité ; elles absorbent ce gaz et le décomposent en ses élémens,