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varient celles des autres gaz. En 1827 déjà, de Saussure avait reconnu des différences très sensibles : il avait noté des chiffres variant entre 3.15 et 5.74 pour 10,000. Boussingault et Lévy ont constaté qu’entre Paris et Andilly (près de Montmorency), il y a une différence notable dans la proportion d’acide carbonique contenue dans l’air : 3.19 dans la ville, et 2.99 dans le village. Entre la ville de Manchester et ses environs, Roscoë et Mac-Dougall n’ont trouvé qu’une différence plus faible ; mais à Clermont-Ferrand, M. Truchot a relevé le chiffre de 3.15 pour 10,000, au lieu de 2.03 au Puy-de-Dôme, et 1.72 au Pic de Sancy. Ces exemples suffisent à montrer combien les variations de la teneur en acide carbonique sont considérables, et combien l’air de la campagne et des hauteurs est plus pur que celui des villes. D’ailleurs, en y regardant de plus près, on voit que la quantité d’acide carbonique varie selon les lieux et les momens. De Saussure l’a vue augmenter durant la nuit et pendant les temps nuageux ; elle varie selon les saisons, les mois et les années, mais non d’une façon régulière ; elle change du jour au lendemain. Au-dessus de la mer, les variations semblent moins prononcées ; comme sur les hautes montagnes, l’air y est plus uniformément pur. Si, au lieu d’envisager la composition de l’air libre recueilli dans les rues ou dans les champs, ou sur les montagnes, nous considérons celle de l’air des maisons et de tous les espaces où l’air ne circule point avec toute liberté, et où des combustions organiques ou inorganiques s’opèrent, les variations sont plus considérables encore. Et cela ne nous étonnera pas si nous tenons compte du fait que l’air que nous expirons en ce moment renferme près de 100 fois plus d’acide carbonique que n’en contenait le même air quand nous l’inspirions il y a quelques secondes. Dans ces conditions, il nous suffit d’imaginer une chambre close où se trouvent une ou plusieurs personnes : avec le temps nous pourrions y observer toutes les proportions possibles d’acide carbonique. Nous le pourrions, si toutefois l’expérience ne se limitait d’elle-même ; si, comme l’a vu Pettenkoffer, le 0.04, ou 0.05 pour 1,000 normal, peut s’élever, dans une chambre assez bien aérée, à 0.54 et 0.70, ou à 2.4 dans une chambre de malade mal aérée, pour atteindre 3.2 dans une salle de cours, 7.2 dans une salle d’école, et même 21 dans une écurie des Alpes où hommes et bêtes se calfeutrent en hiver contre le froid de la montagne, il arrive bientôt un point qui ne peut être dépassé ; les patiens, hommes ou animaux, meurent plus ou moins vite, et la production d’acide carbonique cesse nécessairement ; ils meurent tués par l’acide carbonique et par le défaut d’oxygène, et un milieu contenant plus de 4 pour 100 d’acide