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coup de républicains ont demandées et demandent encore dans un dessein de pacification. Mais lors même que cette réforme ne serait pas inscrite dans la loi, lors même que le curé n’obtiendrait pas cet accès périodique dans le local scolaire, en vertu d’un texte, qu’importe s’il en jouissait de fait, dans toute la France, comme il en jouit aujourd’hui dans un grand nombre de communes, où l’influence de députés de la gauche, respectueux de la volonté de leurs électeurs, a fait pénétrer dans l’école la robe noire du prêtre et maintenir l’enseignement du catéchisme.

Quant à ceux des néo-républicains qui croiraient manquer à leur honneur en acceptant le principe des lois « scélérates, » longtemps et violemment combattues par eux, qu’ils regardent, de l’autre côté de la Manche, ce pays dont nous sépare un étroit bras de mer et tout un monde d’idées ; ils verront qu’en Angleterre où existe pourtant une Église officielle, un clergé d’État, l’école primaire est absolument laïcisée, comme en France, et l’enseignement religieux remis aux seuls clergymen, sans que pour cela la nation britannique se soit déchristianisée. Qu’ils réfléchissent aussi, ces néo-républicains, que les lois scolaires, votées, il y a plus de dix ans, ont servi par deux fois à l’opposition de plateforme électorale, que deux fois le suffrage universel s’est en majorité prononcé en faveur de ces lois ; que par conséquent ils ne peuvent, après avoir été vaincus dans des scrutins répétés, demander à leurs vainqueurs, pour prix d’une réconciliation nationale, l’abandon d’une législation à laquelle ces derniers attachent une si particulière importance, qu’ils en font le critérium de l’adhésion vraiment loyale au régime présent. Ils doivent songer en outre que l’esprit dans lequel une loi est appliquée, l’air ambiant où vivent ceux qui sont chargés d’interpréter les textes, sont pour beaucoup dans l’usage que l’on en peut faire.

S’ils viennent tardivement à la république et sont dans l’intention de la défendre après s’être efforcés jadis de la détruire, c’est qu’ils ont reconnu qu’il n’y avait aucune honte pour un galant homme à changer d’opinion et qu’un Français du xixe siècle, citoyen d’un pays qui en cent ans a aimé de cœur et acclamé cinq ou six régimes, en a non-seulement le droit, mais le devoir, lorsqu’il croit rendre ainsi quelque service à sa patrie. C’est l’enseignement de l’histoire qu’en politique il n’y a pas de principes fixes, rien d’absolument vrai, ni d’absolument faux. Personne ne trouve mauvais, par exemple, que le saint-siège, après avoir, au temps des croisades, armé l’Occident pour reprendre Jérusalem aux « infidèles, » échange aujourd’hui avec le successeur des califes des politesses et de petits cadeaux : le pape envoyant au « Grand Turc » une collection de manuscrits arabes qui l’intéressent, le « Commandeur des Croyans » décorant un cardinal français du grand cordon de l’Osmanié. Nous sommes un singulier peuple. Nous élevons partout des tribunes et nous fondons des journaux, nous prononçons des discours et nous