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considérable. Dans ces cas, — qui sont ceux de l’avenir, — approvisionnemens compris, les appareils électriques sont sensiblement plus lourds que les machines à vapeur spécialement étudiées au point de vue de la légèreté.

La chaudière à vapeur de Félix du Temple fut primitivement destinée à un appareil d’aviation. Car du Temple, chez qui les facultés inventives étaient comme un privilège de race, avait tenté d’aborder par son côté le plus difficile le problème de la navigation aérienne. La puissance de vaporisation de sa chaudière, son peu de poids, son faible volume, l’ont fait placer à bord de nos torpilleurs, où, unie à une machine perfectionnée qui ne pèse pas plus de 17 kilogrammes par cheval, elle constitue l’un des moteurs les plus légers de l’heure actuelle. Peut-être, retrouvant sa destination primitive, ira-t-elle un jour porter, au sein des nues, le renom de son créateur[1].

La machine à vapeur voit, d’ailleurs, surgir de divers côtés des concurrences imprévues. L’air chaud, le gaz d’éclairage, les vapeurs d’hydrocarbures, veulent remplacer la vapeur d’eau. M. Hiram Maxim, qui ne redoute pas d’étonner son monde, ne se propose-t-il pas d’employer une machine au naphte qui, chaudière comprise, ne pèserait que 3 kilog. 1/2 par force de cheval ? Ce sera là, dit-il lui-même, un résultat considérable, a very high result, de ces nouveaux-venus de la mécanique industrielle nous promettent plus d’une surprise.

Mais si la question du moteur léger paraît en progrès, celle, autrement délicate d’ailleurs, de la résistance de l’air n’a pas encore, malgré les expériences dont nous avons eu occasion de parler tout à l’heure, reçu la satisfaction nécessaire. « On n’est pas encore, dit un ingénieur éminent, très au fait de la question, en mesure de

  1. Félix Du Temple mourut sans avoir joui du succès tardif de son invention. Cet homme de mérite est surtout connu du public par le rôle qu’il joua un moment à l’Assemblée nationale, où il était allé s’asseoir sur les bancs les plus élevés de la droite. Ceux même que froissait l’intransigeance de son attitude rendaient hommage à la sincérité de ses convictions. La politique ne fut, d’ailleurs, qu’un court accident dans sa vie. Marin et patriote dans l’âme, comme il convient à tout bon Malouin, Félix Du Temple était capitaine de frégate au moment de la guerre. Il fit la triste campagne, en qualité de général de brigade auxiliaire, et se fit remarquer par sa décision, son courage et son esprit fertile en expédions. — Son frère, Louis, comme lui capitaine de frégate, et comme lui aussi promu pendant la guerre général de brigade auxiliaire, défendit avec une énergie et une ténacité dont on se souvient, les pentes septentrionales du Morvan. Il avait organisé et longtemps dirigé l’École des mécaniciens de la flotte, créée à Brest par Dupuy de Lôme. Très semblables intellectuellement, les deux frères se sont montrés particulièrement doués d’aptitudes mécaniques, dont, comme on le voit par ces quelques mots, leur pays a bénéficié.