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LA NAVIGATION AÉRIENNE.

pour lui, avéré, et tout aussitôt, il a prétendu se mettre en mesure de le réaliser.

Dans une publication de date récente, il donne la description de l’appareil dont il a entrepris la construction. Son aéroplane aura une superficie de 500 mètres carrés. Il se composera d’une série de cadres formés de tubes d’un acier extrêmement mince ; les uns sont tendus d’une étoile de soie, les autres formés d’une série de petits tubes métalliques accolés, destinés à condenser la vapeur à sa sortie du cylindre. Les cadres, reliés les uns aux autres par de souples articulations, peuvent prendre des orientations indépendantes, ce qui doit être une façon d’assurer l’équilibre de l’appareil. La machine mue, non plus par la vapeur d’eau, mais par celle d’un naphte épuré, que la condensation régénérera indéfiniment, est extrêmement légère, quoique d’une grande puissance. Aussi pourra-t-on confier à l’aéroplane une charge considérable. M. Maxim ne parle de rien autre que d’entreprendre un voyage de 1 600 kilomètres à la vitesse moyenne de 145 kilomètres à l’heure. « Je ne pense pas, ajoute-t-il modestement, pouvoir, pour cette fois, traverser l’océan. »

Mais la préoccupation de ce beau voyage n’absorbe pas toutes les facultés de M. Hiram Maxim. Les lauriers de l’inventeur de la torpille sous-marine troublent le sommeil de l’inventeur de la mitrailleuse. Maître des airs, il se propose de les peupler d’un nouvel agent de destruction. Aux belligérans de la prochaine guerre, il promet une torpille aérienne suspendue à un aéroplane et dont les mouvemens seront réglés avec assez de précision, pour qu’elle puisse à 30 ou 40 kilomètres de son point de départ tomber exactement à l’endroit marqué par les Furies, et y répandre, en éclatant, l’incendie et la mort.

Il y a certainement, — et fort heureusement pour la pauvre humanité, — dans tout cela une part à faire à l’imagination. M. Maxim est inventeur, et il se peut qu’il se laisse parfois entraîner loin de la réalité par la folle du logis. Cependant, il a déjà donné assez de preuves de la puissance de ses facultés, pour qu’on prête la plus sérieuse attention à ce dont il nous menace.

D’un autre côté, la recherche du moteur léger, qui intéresse autant le Dirigeable que l’aéroplane, fait chaque jour un pas en avant. Pour des excursions de quelques heures, les machines dynamos actionnées par des piles paraissent devoir conserver sur la machine à vapeur la supériorité que leur reconnaissent MM. Renard et Tissandier. Mais cet avantage se transforme en infériorité, aussitôt que l’on prétend, — comme c’est la tendance actuelle, — faire dans les airs un séjour prolongé, et employer une puissance