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des ailes ? C’est ce que je voudrais, si le lecteur le veut bien souffrir, examiner dans ces quelques pages.


I.

Le ballon, gonflé d’un gaz plus léger que l’air, déplace de celui-ci un volume dont le poids est supérieur au sien. La différence entre ces deux poids constitue sa force ascensionnelle. Par l’effet de cette différence, il éprouve une poussée de bas en haut, analogue à celle qui renvoie flotter à la surface une boule de liège immergée dans l’eau. Il est, à ce propos, assez remarquable qu’il ait fallu attendre vingt-deux siècles, et trouver dans une vallée de l’Ardèche un manufacturier doué de l’esprit d’observation, pour qu’on vît faire au fluide aérien application du principe d’Archimède.

L’aérostat s’élève donc : il monte et ne s’arrête que là où il rencontre une couche d’air assez dilaté pour que le volume déplacé n’ait plus qu’un poids exactement égal au sien. Jusqu’où peut-il aller ainsi ? Peut-on fixer une limite à la hardiesse de ses ambitions ? Quo non ascendam ne peut-il pas être sa devise ? N’est-ce pas lui, par exemple, qui, plus entreprenant en son vol que le condor des Andes, ira chercher dans les hauteurs inconnues, au-delà, bien au-delà

De ces pics désolés que la tempête assiège,

le secret de la cause encore ignorée qui retient l’atmosphère autour de notre globe. Pourquoi toujours plus raréfiée et plus légère à mesure qu’elle s’éloigne de la surface terrestre, ne va-t-elle pas, subtile et impondérable, se perdre progressivement dans l’infini des solitudes interplanétaires ? Le ballon, quelque jour, ne nous le dira-t-il pas ? Non ; de si hautes prétentions ne lui sont pas permises. Les aérostats ordinaires, comme ceux dont la marche tranquille amuse le regard de la foule les jours de fête, faits comme ils le sont généralement d’une étoffe peu résistante, ne pourraient pas dépasser la hauteur du Mont-Blanc sans courir de gros risques. Et l’on estime que l’atmosphère a une épaisseur de peut-être 200 kilomètres.

Cependant, on a voulu que ce léger sphéroïde, qu’on avait renoncé à diriger, ne fût pas seulement une sorte d’amusement, complément obligé du programme officiel des réjouissances publiques. Prenant pour sa construction les précautions qu’inspirait