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REVUE DRAMATIQUE

Comédie-Française : la Reine Juana, drame en 5 actes, en vers, de M. Alexandre Parodi.

Une translation de cadavre avec menace d’exhumation et d’autopsie ; une reine séquestrée pendant quarante-neuf ans ; la folie tantôt douce, tantôt furieuse, puis l’agonie et la mort de cette princesse, le tout avec accompagnement continu de glas, de torches et de cierges ; le saint-office, des moines et des geôliers, un couvent, une prison, le trône et le cabanon ; décors magnifiques, riches costumes et pauvres vers, voilà le spectacle historique et funéraire que nous a donné la Comédie-Française. Mais, comme disait feu Geoffroy dans la Cagnotte, drame moins sombre, « avant d’entrer dans les détails de cette ténébreuse affaire, qui ne tend à rien moins qu’à broyer sous son étreinte l’honneur d’une famille entière, » et d’une famille royale encore, il est bon de remonter aux sources.

C’est ici même qu’elle a jailli, la source où puisa M. Parodi. Dans un article publié le 1er juin 1869, et qu’on ne saurait trop recommander aux futurs spectateurs de la Reine Juana, M. K. Hillebrand, d’après des découvertes alors récentes, et les documens les plus authentiques, a raconté comme il suit la déplorable histoire de la mère de Charles-Quint.

Juana, fille de Ferdinand, roi d’Aragon, et d’Isabelle la Catholique, reine de Castille, naquit en 1479. De bonne heure, elle annonça un esprit de douceur et de tolérance qui n’était pas pour plaire à ses parens. Son peu de goût pour les autodafés lui valut des avertissemens et des corrections maternelles qui parfois allaient jusqu’à la torture. À dix-sept ans, la princesse fut heureuse d’épouser l’archiduc Philippe