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LE
PORTRAIT DE NAPOLÉON

Mes Souvenirs sur Napoléon, par le comte Chaptal, publiés par le vicomte A. Chaptal, 1 vol. in-8o ; Plon et Nourrit. Paris, 1893.

Toujours lui ! Lui partout ! — Prenez les catalogues de librairie pour ces dernières années, et plus particulièrement depuis quinze ou dix-huit mois : mémoires exhumés ou travaux actuels, les livres d’histoire que nous offrent les éditeurs, et qui réussissent, tournent presque tous autour de Napoléon. Comme dans la ballade fameuse, l’Empereur mort manœuvre des troupes d’ombres, il arrache au repos ses vieux compagnons pour les faire encore servir. On a le sentiment qu’il livre une nouvelle bataille, quand on voit s’aligner sur les rayons ces soldats de papier ; soldats bleus, jaunes, gris, les uns dociles, d’autres accusateurs et révoltés, mais qui combattent tous pour lui, en somme, puisqu’ils chassent le pire ennemi, l’oubli. Besoin d’une enquête supplémentaire sur une époque mal étudiée, pense l’historien ; engouement inexplicable comme toutes les modes, diront les gens peu enclins à la recherche des causes ; symptôme d’un état d’esprit et d’une attente, insinueront les prophètes politiques : n’est-il pas admis que l’encre d’imprimerie, miroir trouble, reflète et renvoie fortifiées les impressions changeantes de notre société ? Laissons chacun se complaire dans ses conclusions ; pour l’observateur des faits contemporains, il suffit de constater qu’un courant existe, et que l’on demande du Napoléon en librairie. Ceux qui aiment l’histoire pour elle-même, et non pour la vendre aux partis, ont quelques