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Les deux fiancés s’étaient donné rendez-vous au gouvernement, où un bal devait réunir le « Tout Nouméa » des grandes occasions. Pimpant, la moustache en croc, une fleur à la boutonnière de son habit, Grolet traversait, pour s’y rendre, la place des « cocotiers » qui, par manière d’exception, est assez bien éclairée. Des gens étaient là, assis sur le gazon, en famille, et fumant. Malheureusement, — à quoi pourtant tiennent les destinées ! — il tira de sa poche un régalia ; n’ayant point de briquet, il avisa un surveillant militaire qui, son service fait, s’en retournait à la caserne, d’un pas tranquille, le cigare aux lèvres.

— Pardon, mon brave, dit-il en l’abordant, veuillez, je vous prie, me donner du feu.

Le sous-officier s’arrêta poliment et se mit en devoir de rendre à son interlocuteur le service demandé ; mais à peine le jeune gentleman eut-il approché son visage du sien, que deux mains vigoureuses le saisirent au collet : le surveillant avait reconnu Grolet à un signe très particulier que présente son œil gauche.

Entraîné au poste, force lui fut d’avouer ; on le rasa, on lui fit endosser la vareuse de toile, et, pendant qu’on l’emmenait, la brise lui apportait l’écho d’une valse joyeuse, au son de laquelle dansait, en l’attendant, la petite veuve.

Quand j’ai vu ce pauvre diable, il était enfermé depuis quinze mois dans une cellule qu’il va occuper trois années encore, à moins qu’il ne meure, ce qui est probable.

Je n’ai pu m’empêcher de le plaindre.


En dehors de ces peines qui ne peuvent plus être infamantes, mais qui sont sérieusement afflictives, le transporté est exposé à se voir infliger des punitions disciplinaires nombreuses, dont les principales sont, par ordre de gradation : la prison, la cellule, le cachot, le camp disciplinaire.

Mauvaise volonté, insubordination, ivresse, outrages aux agens et fonctionnaires, telles sont les fautes qui, suivant leur gravité et leur fréquence, entraînent ces diverses mesures de répression.

Dans les camps disciplinaires, la durée des punitions est doublée. Les infractions légères y sont punies de « salle de discipline, » ce qui consiste, dit le règlement, à marcher à la file indienne et en silence, depuis le lever jusqu’au coucher du soleil ; la marche est interrompue toutes les demi-heures par un court repos, durant lequel les condamnés sont assis sur des dés en pierre.

Ces établissemens sont exclusivement affectés à l’internement des « incorrigibles, » définition d’ailleurs peu exacte, car elle