Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 117.djvu/424

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

flots, dans ce même azur et sous ce même regard des choses, ont si souvent, jadis, porté d’autres Césars. On a pu déterrer pour lui un coin, encore enseveli, de Pompéi, intact depuis la catastrophe, lui faire toucher une amphore grecque, recouverte de lave et remplie de cendre ; on a pu lui donner en spectacle, pour le distraire, ce peuple napolitain, bouffon qui n’a pas de rival, né d’un croisement hasardeux sur la grande route des races, fils d’on ne sait qui et père de Polichinelle : enfin, le roi Humbert a pu l’emmener à la Spezzia et le serrer dans ses bras devant un canon de 120 tonnes. Il a dit — au tournoi : « C’est curieux ; » à la revue : « C’est bien ; » à Naples : « Que c’est beau ! » ou « Que c’est drôle ! » à Pompéi : « C’est intéressant ; » à la Spezzia : « C’est formidable. » — Mais, au fond, rien ne l’a tiré de sa rêverie, et la persistante vision qu’il a remportée en Allemagne, c’est celle de ce palais misérablement gardé et de ce vieillard vêtu de blanc, qui ne parle aux princes et aux peuples que de leurs devoirs.

Et maintenant que la dernière girandole est éteinte sur le Corso, tâchons de dresser le bilan politique des fêtes de Rome. Elles peuvent être, elles doivent être considérées sous divers aspects : du point de vue italien et du point de vue allemand, du point de vue dynastique et du point de vue international.

Du point de vue italien :

1° A l’intérieur, la force de la monarchie y est apparue comme réelle. Quoique le peuple ait été laissé un peu à l’écart, qu’il n’ait eu qu’une faible part à toutes ces solennités, qu’il ne les ait admirées que contenu par un cordon de troupes, qu’on ait élevé partout des barrières et posé partout des tourniquets payans, inabordables à ses faibles ressources, il a prouvé qu’il faisait corps avec les classes plus privilégiées, avec son roi et celle qui est, pour lui, la grâce même de la patrie, la « Marguerite des Marguerites. » Mais cette force de la monarchie ne sort pas, de la visite impériale, augmentée autant qu’on y comptait, parce que l’empereur a été, durant son séjour, comme le sommet sur qui se sont fixés tous les yeux, que le roi et la reine se sont presque effacés dans son ombre ; quant au prince de Naples, que le tournoi devait mettre en évidence, il a passé inaperçu.

2° En ce qui concerne la triple alliance, elle sort des noces d’argent, maintenue, elle aussi, mais non renforcée. Elle n’est pas, même apparemment, devenue la quadruple alliance. On eût dit que la reine d’Angleterre n’était pas, en ce moment, à Florence. Rome n’a vu ni elle ni aucun de ses ministres. L’empereur ne s’est pas arrêté chez sa grand’mère, qui semble l’avoir évité[1]. À tout peser dans

  1. Le départ de la reine Victoria a été, tout à coup, avancé de plusieurs jours.