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absent[1] ; » qu’aux « bonnes relations internationales ; » qu’au « suprême plaisir d’avoir pour hôtes les deux empereurs ; » qu’au « sentiment de la nation ; » qu’aux « démonstrations de cordiale amitié, » mais déjà l’on y voyait le « gage d’une sympathie durable entre les peuples[2]. » Pour tout cela, Milan suffisait. C’étaient les fiançailles : Rome ne devait venir qu’après le mariage consommé.


III

Ici, il est bon de rappeler et de rapprocher quelques dates : en août 1878, M. Crispi, alors président de la chambre italienne, entreprit à travers l’Europe une tournée diplomatique ; le 7 octobre 1879, M. de Bismarck signait avec le comte Andrassy le traité qui est devenu le fondement de la triple alliance ; en 1882, l’Italie accédait à ce traité ; en décembre 1883, le kronprinz Frédéric arrivait à Rome.

Mais M. de Bismarck avait arrêté le programme : « Le souverain doit des ménagemens à ses 14 millions de sujets catholiques ; » le prince impérial ne passa pas si près du Vatican, sans aller voir le pape. Il y alla, sans éclat, sans tapage, presque en forme privée, mais la démarche n’en eut pas moins, — et à tous les yeux, — une claire signification. Ce fut la fin du Kulturkampf en Allemagne.

Pour cette visite du kronprinz Frédéric au saint-père, on hésita longtemps sur le cérémonial. Le pape ne pouvait admettre que le prince partit du Quirinal, terre ennemie ou camp ennemi : c’eût été reconnaître un état de choses qu’il ne reconnaît pas. On cherchait un expédient, on le trouva dans la fiction de l’exterritorialité.

Le droit des gens place hors du territoire national, hors des frontières et comme dans les pays qu’ils représentent, les palais ou hôtels affectés à la demeure des ambassadeurs. Le Vatican, habile à profiter de toutes les circonstances, se hâta de tirer parti de cette convention. Le kronprinz déjeuna, le jour de son audience, au palais Caffarelli, chez le baron de Keudell, ambassadeur d’Allemagne près le roi d’Italie, et après le déjeuner, M. de Schlœzer, titulaire du poste nouvellement créé de ministre de

  1. Discours du marquis Maurigi à la chambre des députés, 24 novembre 1876.
  2. Discours de la couronne, 6 mars 1873 : « L’Italie a eu une confirmation de ses bonnes relations internationales dans la visite de l’empereur d’Autriche-Hongrie et de l’empereur d’Allemagne. J’ai été extrêmement heureux de les avoir pour hôtes. Milan et Venise se sont montrées les dignes interprètes du sentiment de la nation. Dans ces démonstrations de cordiale amitié entre les souverains, il y avait le gage de la sympathie durable entre les peuples. »