Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 117.djvu/410

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ministres résume ainsi, pour Michel-Angelo Castelli et évidemment pour Victor-Emmanuel, d’après M. de Keudell lui-même, l’entretien du ministre d’Allemagne avec le chancelier impérial[1] :


Le prince Bismarck est dans les dispositions les plus amicales envers l’Italie. La contre-visite de l’empereur est, à ses yeux, non (pas seulement affaire de courtoisie, mais une nécessité politique. L’empereur, de son côté, a le désir et la volonté de se rendre en Italie, et il espère un oui des médecins. Mais, dans ce cas, le prince Bismarck estime, après mûre réflexion, qu’il faudra renoncer à un séjour à Rome.

Le souverain doit des ménagemens à ses 14 millions de sujets catholiques. Aller (à Rome), ou passer près du Vatican sans voir le pape, serait interprété comme une offense à la personne de leur chef spirituel ; cela aurait l’air d’une provocation ; mais pour que cette lacune dans le voyage impérial ne soit pas commentée d’une manière contraire à la véritable pensée du cabinet de Berlin, il aurait soin de faire entendre et de répéter hautement qu’on ne reconnaît à l’Italie d’autre capitale que Rome et que, si ce n’est pas dans cette résidence même que l’empereur visite le roi d’Italie, il ne faut en rechercher le motif que dans des considérations de la politique intérieure de l’Allemagne.

Bismarck espère que vous voudrez bien tenir compte de ces raisons… Quant à Milan, le projet ne serait mis sur le tapis que si cela devenait nécessaire pour faciliter un assentiment des médecins.


M. Minghetti n’est qu’à demi satisfait et à demi convaincu. Il n’a qu’une foi médiocre dans les médecins de Berlin, vu que « les médecins, à Berlin, cheminent d’un pas égal avec les conseillers de la couronne. » En de pareilles conditions, il faut tâcher encore de savoir « si Rome est possible ; » il faut « retenter Rome » et, « s’il y a un fil d’espérance, différer plutôt le voyage que de le faire tronqué. » Si, au contraire, l’empereur et Bismarck sont inébranlables, il est, à tout prendre, plus utile que l’empereur vienne ainsi que de ne pas venir du tout : 1° parce que c’est une dette de courtoisie et d’égards envers le roi ; 2° parce que les Italiens aiment à se sentir liés avec l’Allemagne. « Certes, il ne plaira point que l’empereur n’aille pas à Rome. Nous voudrions que les autres pensassent là-dessus comme nous, et nous voulons que tout le monde traite le pape à notre gré. Mais, d’autre part, il plaira de voir ce grand puissant de la terre en amitié étroite avec notre souverain et les deux gouvernemens unis. » M. Minghetti, enfin, rassure Castelli, en des termes qu’il est bon de retenir, sur l’accueil réservé aux propositions allemandes :

  1. En français dans l’original.