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Tout le monde donne le voyage comme sûr et le désire : seuls, les cléricaux en sont irrités et cherchent tous les moyens de le faire échouer.

J’ai vu des dépêches de Vienne et de Berlin qui m’ont convaincu que, si le roi n’acceptait pas les invitations, s’il ne se rendait pas aux instances directes et indirectes, les conséquences d’un refus seraient plus graves qu’on ne croit.

Nous verrons si le ministère pourra triompher de cette épreuve : je le désire vivement, parce qu’il y a des occasions qu’il faut saisir sur le moment, qui, le moment passé, ne se présentent plus, et il ne reste plus de remède[1]

De Rome à Florence, Victor-Emmanuel réfléchit : il accepta l’invitation de François-Joseph, en attendant l’invitation « certaine » de ce Guillaume Ier, dont il avait été l’allié contre l’Autriche en 1866, qu’il avait failli combattre avec la France en 1870 et à qui l’Italie devait s’unir avec l’Autriche contre la France en 1882. À mesure qu’il monta vers le nord, ses inquiétudes se dissipèrent. On lui tendit les bras, il s’y jeta, et, de retour à Rome, quand il ouvrit la session législative, il dit sa joie dans le discours de la couronne :


Je suis heureux de vous assurer que nos relations avec toutes les puissances sont amicales.

Ces bonnes relations ont reçu une sanction solennelle dans la visite que j’ai faite récemment à l’empereur austro-hongrois et à l’empereur d’Allemagne. (Très vifs applaudissemens.)

Les démonstrations de cordiale sympathie, que j’ai reçues de ces souverains et de leurs peuples, s’adressaient à l’Italie ressuscitée, qui a su conquérir sa place parmi les nations civilisées. (Applaudissemens.)

L’Autriche et l’Italie furent autrefois adversaires sur le champ de bataille. La raison de ce long différend étant supprimée, il ne demeure que la confiance en de communs intérêts et dans les avantages d’une sûre amitié. (Bien ! ..)

L’Italie et l’Allemagne se sont constituées toutes les deux au nom de l’idée nationale ; toutes les deux, elles ont su fonder les institutions libres sur la base d’une monarchie associée pendant de longs siècles aux douleurs comme aux gloires de la nation. (Applaudissemens dans les tribunes[2].

  1. E. Tavallini, la Vita e i tempi di Giovanni Lama. Torino, Roux et Cie, 1887, t. II, p. 447.
  2. Discours de la couronne, pour l’ouverture de la 3e session de la XIe législature, 15 novembre 1873.