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animales ou de l’ammoniaque ; quant au mécanisme même de cette oxydation, il resta longtemps ignoré.

Une expérience célèbre d’un chimiste bien connu, Kuhlmann, engagea d’abord les recherches dans une mauvaise voie. Le platine, récemment séparé d’une combinaison par l’action du feu, exerce sur les gaz une action curieuse ; quand la température n’est pas excessive et que le platine ne fond pas, il se présente sous forme d’une masse grisâtre, faiblement agglutinée, qui est désignée dans les laboratoires sous le nom d’éponge ou de mousse de platine ; si on place cette substance, tenue à l’extrémité d’un fil de platine, dans un courant de gaz hydrogène, le gaz se condense dans l’éponge métallique, elle rougit et bientôt l’élévation de température est suffisante pour déterminer l’inflammation de l’hydrogène. La mousse de platine provoque encore l’union de l’acide sulfureux et de l’oxygène en lourdes vapeurs blanches, irritantes, d’acide sulfurique ; Kuhlmann découvrit enfin que, si on dirige un courant d’air et d’ammoniaque dans un tube renfermant de la mousse de platine, légèrement chauffée, l’ammoniaque se brûle partiellement et l’on recueille de l’azotate d’ammoniaque.

Cette expérience fut hardiment généralisée. On crut que, si le salpêtre apparaît sur les murs d’une étable ou d’une écurie, dans le sol d’une cave, c’est que l’ammoniaque y est brûlée par l’oxygène, sous l’influence d’un corps poreux, agissant à la façon de la mousse de platine ; ces corps poreux auxquels on attribuait cette action comburante étaient les murs mal crépis, ou la terre elle-même. On vécut sur cette idée jusqu’au moment où, en 1862, M. Pasteur montra que presque toutes les combustions lentes sont provoquées par des micro-organismes ; l’alcool, par exemple, ne se transforme, par oxydation, en acide acétique, en vinaigre, que lorsque la surface du liquide à acétifier est recouverte d’un léger voile d’une moisissure blanche du mycoderma aceti ; l’oxydation de l’ammoniaque, sa transformation en acide azotique n’est-elle pas provoquée également par l’activité d’un ferment ? Dès cette époque, M. Pasteur n’hésitait pas à dire que l’étude de la nitrification était à reprendre ; chose curieuse cependant, quand Boussingault, en 1873, écrivit son remarquable mémoire sur l’action qu’exerce la terre arable sur la nitrification, il ne fit aucune allusion à cette nouvelle manière de voir[1].

Suffit-il qu’une matière azotée soit en présence d’un corps

  1. Boussingault y avait réfléchi cependant, je me rappelle très bien lui avoir entendu discuter l’influence que pouvaient exercer sur l’oxydation de l’ammoniaque les micro-organismes, qu’il appelait familièrement les champignons de Pasteur.