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profondément altérée, puis une couche de quelques centimètres d’épaisseur toute tapissée de blanches ramifications des champignons ; la température en est assez élevée pour être très sensible à la main, la combustion y est active ; au-dessous, là où l’air n’a pu s’infiltrer, le fourrage est intact.

Les débris végétaux ainsi attaqués par les cryptogames renferment des matières de trois ordres, des substances formées de carbone, puis d’oxygène et d’hydrogène dans les proportions de l’eau : les hydrates de carbone des chimistes, l’amidon, la cellulose, la gomme, appartiennent à ce premier groupe ; des substances beaucoup plus chargées de carbone que les précédentes, constituant particulièrement les vaisseaux, et désignées sous le nom de vasculoses ; enfin des matières azotées. Le sort de ces trois ordres de substances est très différent, les hydrates de carbone sont complètement brûlés : les champignons, s’en nourrissant, exhalent par leur respiration tout le carbone à l’état d’acide carbonique. Les matières azotées sont également la proie des cryptogames qui en constituent leurs propres tissus ; la vasculose persiste plus ou moins altérée. C’est son mélange avec les débris des champignons, qui meurent quand les alimens leur font défaut, qui constitue l’humus.

Il est beaucoup plus riche en azote que ne l’étaient les débris végétaux eux-mêmes, car toute la fraction de ces débris, constituée par les hydrates de carbone, a disparu ; l’azote des albuminoïdes des végétaux se trouve donc disséminé dans une matière réduite, et sa proportion centésimale a augmenté ; c’est ce qu’a très bien observé récemment M. Kostytchef, dans ses travaux sur le tchernoziem, sur les terres noires du sud de la Russie, dans lesquelles l’humus est tellement abondant que depuis un temps immémorial ces terres donnent des récoltes de seigle et de blé, médiocres il est vrai, mais continues, sans recevoir d’engrais.

Ces débris des végétations antérieures, à des états de décomposition plus ou moins avancée, suivant que leur attaque par les cryptogames a été plus ou moins complète, les débris de ces cryptogames eux-mêmes, les cadavres des micro-organismes fixateurs d’azote, forment la matière organique du sol ; c’est là que gisent ces 4,000 ou 8,000 kilos d’azote que l’analyse décèle dans la terre, c’est là que puise la végétation spontanée, c’est dans cette masse que s’alimentent les maigres récoltes obtenues sans le secours d’aucun engrais.

L’humus ne persiste dans le sol, ne s’accumule parfois, en quantité énorme, comme dans les prairies humides, que parce qu’il est peu altérable. C’est une matière première qui lentement se transforme en substances propres à l’alimentation végétale, et c’est