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cultivent de préférence les terres qui ont été ainsi remuées, triturées par les vers et qui sont couvertes de leurs déjections.

Bien plus énergique encore est l’action des micro-organismes, champignons, bactéries, fermens de toutes sortes, qui pullulent dans le sol et y assurent la destruction de toute la matière organique accumulée par les végétations qui s’y succèdent chaque année. Cette destruction est leur œuvre. Si on les fait périr en élevant la température d’un lot de terre jusqu’à 120 degrés pendant plusieurs heures, toute transformation cesse ; la terre n’exhale plus l’acide carbonique, ainsi qu’elle le fait constamment dans les conditions normales.

On sait, en effet, depuis les admirables travaux de M. Pasteur, que l’intervention des micro-organismes est nécessaire à la transformation de la matière organique ; que les liquides les plus altérables, même le lait, n’éprouvent plus aucune modification, si, en élevant sa température au-delà de 100 degrés, on tue tous les fermens qu’il renferme. Le lait pasteurisé, l’expression est aujourd’hui usuelle, le lait qui a été débarrassé de tous les micro-organismes qui métamorphosent si rapidement ses élémens, peut être indéfiniment conservé. Une industrie se crée aujourd’hui pour substituer le lait conservé au lait frais.

Les micro-organismes attaquent les débris végétaux avec d’autant plus d’énergie que l’air a plus facilement accès dans la masse ; quand l’air fait défaut, la décomposition devient très lente. Cette notion est mise à profit par les cultivateurs qui ensilent leurs fourrages pour assurer pendant l’hiver une nourriture fraîche aux animaux. Le maïs qui, sous le climat de Paris, ne mûrit pas sa graine, est employé comme fourrage ; sec, il devient dur et les animaux ont peine à le consommer. Dans les climats humides, les secondes coupes des prairies naturelles ou artificielles sont difficiles à sécher ; souvent une averse intempestive arrive sur le foin prêt à être bottelé, il faut l’étendre de nouveau, car s’il est rentré humide, les champignons entrent en jeu, il moisit et n’a plus de valeur. On tourne ces difficultés en accumulant les herbes, le maïs vert, dans un silo maçonné, on le couvre de madriers, on les charge de façon à former une masse compacte ; la respiration des végétaux consomme bientôt tout l’oxygène emprisonné entre les assises des fourrages, il est remplacé par de l’acide carbonique et, dès lors, les destructeurs les plus actifs disparaissent du centre, ils ne travaillent que sur le pourtour, là où péniblement l’air se fraie un passage. Quand on examine un silo entamé, on voit très bien l’influence de l’air sur la destruction de la matière végétale ; à la partie supérieure, on trouve une zone déjà moisie,