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On forme un sol artificiel avec des cailloux, du sable et un peu de bonne terre renfermant assez d’azote pour alimenter une petite plante, si cet azote est assimilable. On sème ; la graine germe, la plante se développe… aussi faible, aussi chétive que si on n’avait pas ajouté la bonne terre ; l’azote qu’elle renfermait n’a pas été utilisé.

À quel état est donc cet azote ? Dans quelle combinaison est-il donc engagé ? Ne pouvons-nous vaincre son inertie ? N’est-il aucun moyen de tirer parti des richesses accumulées que renferment nos sols cultivés ? Telles sont les questions que nous allons examiner.


II

Les terres meubles dans lesquelles les végétaux enfoncent leurs racines sont habituellement formées de quatre matières différentes, de menus fragmens de roches : de sable ; d’une matière plastique : l’argile, silicate d’alumine provenant de la décomposition des silicates qui constituent les roches primitives ou les roches éruptives ; de calcaire ; et enfin d’une matière noire très peu soluble dans l’eau, mais attaquable par l’action successive des acides et des bases : l’humus ; c’est dans cet humus que se trouve l’azote, engagé en combinaison avec du carbone, de l’hydrogène et de l’oxygène. L’humus est le résidu de la décomposition des matières végétales ; il est formé soit par l’action des insectes, soit par celle des cryptogames. L’illustre Charles Darwin a insisté, il y a plusieurs années déjà, sur le rôle très curieux que remplissent, dans la formation de l’humus, les vers de terre, les lombrics : ils attirent, dans les galeries qu’ils creusent dans le sol, les feuilles mortes qui gisent à la surface et rejettent des matières noires mélangées d’une grande quantité de terre. Le savant naturaliste anglais cite une expérience curieuse, facile à reproduire, exécutée par M. Von Heusen : deux vers de terre furent placés dans un vase de 45 centimètres de diamètre, remplis de sable, sur lequel on étendit des feuilles sèches ; celles-ci furent successivement entraînées dans les trous et, après six semaines, une couche de sable d’une épaisseur d’un centimètre était convertie en humus après avoir passé par les organes digestifs des deux vers.

Cette transformation de la matière végétale en substance noire, légèrement soluble dans les alcalis, paraît être avantageuse aux plantes qui se succèdent à la surface du sol. Un fonctionnaire anglais, qui a longtemps séjourné en Guinée, assure que les nègres