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plus Jean de Vienne et Coucy qui leur criaient de laisser à l’infanterie hongroise le temps d’arriver, ils poursuivirent leur folle chevauchée et soudain se virent enveloppés, forcés de se rendre ou de mourir, tandis qu’à la vue des fuyards, leurs alliés se débandaient de tous côtés. L’amiral voulut sauver l’honneur du nom français ; entouré de quelques chevaliers, il les exhorta à ne point racheter leur vie aux dépens de leur dignité, mais à se recommander dévotement et avec un cœur contrit à la grâce de Dieu et à la glorieuse vierge Marie. Lors, se précipitant sur les infidèles, semant la mort autour de lui, six fois de suite releva l’étendard de la Vierge, et enfin tomba, écrasé sous le nombre. On l’a dit très justement, la fin légendaire du vaincu de Roncevaux était, grâce à lui, devenue une réalité, un admirable épisode de notre histoire. Pour racheter le comte de Nevers, la Franche-Comté dut fournir 12,000 livres, et Besançon 3,000.

Abaissée, humiliée par Philippe le Hardi et ses successeurs, l’aristocratie comtoise va, pendant le XVe siècle, s’efforcer de retenir une influence qui décline de plus en plus, car l’idée moderne la pénètre insensiblement, et l’on commence à ne plus distinguer le noble d’avec le gentilhomme, le gentilhomme d’avec le grand feudataire. Dans ce dessein, elle se groupera, fondera par exemple la confrérie de Saint-George, instituée entre 1435-1440 par Philibert de Molans, simple gentilhomme habitant le bourg de Rougemont, qui, d’après la tradition, aurait accompli deux pèlerinages en terre-sainte, rapporté des reliques de saint George et servi le duc de Bourgogne en qualité de maître de son artillerie : ainsi s’expliquerait le prestige qui lui valut cette prééminence. Comme la Toison d’or et tant d’autres associations à cette époque, elle eut d’abord un but religieux : perpétuer l’enthousiasme des croisades, lutter contre le fléau du schisme[1]. Sur les saints évangiles et sur l’honneur, on jurait et promettait de professer en tout et partout la foi catholique, apostolique et romaine. Saint George fut acclamé comme patron, parce qu’il avait été chevalier, et qu’on l’a d’ancienneté représenté à cheval, armé d’une lance et terrassant un dragon. Les membres s’intitulèrent pendant longtemps Confrères de Monsieur saint George, puis ils eurent la prétention de constituer un ordre de chevalerie militaire. Philippe le Bon les autorisa à porter leur décoration suspendue à

  1. Aperçu succinct sur l’ordre des chevaliers de Saint-George du comté de Bourgogne, suivi de ses statuts et règlement, et de la liste de tous les chevaliers qui ont été reçus depuis sa première restauration, de l’an 1390 jusqu’à ce jour, par Charles-Emmanuel Polycarpe, marquis de Saint-Mauris ; Vesoul, 1834. — Charles Thuriet, Étude historique sur le bourg de Rougemont ; la Chevalerie de Saint-George en Franche-Comté. — Castan, les Origines de la chevalerie de Saint-George en Franche-Comté.