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Chambornay-les-Bellevaux, consentirent à quitter la province moyennant une rançon de 24,000 florins (1360-1366). Quatre-vingts ans plus tard, les méfaits des grandes compagnies furent renouvelés par les Ecorcheurs (1437-1445).

La mort prématurée de Philippe de Rouvres amena le démembrement de ses États : le duché de Bourgogne revint à la France ; l’Artois, la Franche-Comté, à une fille de la comtesse Jeanne. D’accord avec les Chalon-Arlay, les Neuchâtel-Comté, les Montfaucon et le comte de Montbéliard, celle-ci avait négocié le mariage de sa petite-fille avec un fils du roi d’Angleterre, mais le roi Jean ayant donné le duché de Bourgogne à son fils Philippe le Hardi et obtenu pour lui de l’empereur l’investiture de la Franche-Comté, la guerre éclata avec les barons comtois. Le duc l’emporta, Marguerite comprit cette leçon de choses, rompit le mariage projeté, et accorda sa petite-fille à Philippe le Hardi. Une nouvelle invasion du roi d’Angleterre en France trouva pour la première fois la noblesse comtoise rangée sous les étendards fleurdelisés, et, parmi ses membres les plus illustres, l’amiral Jean de Vienne, l’ami et l’émule de Duguesclin, de Clisson, négociateur habile, sage conseiller et grand homme de guerre, dont la gloire franchit l’enceinte de notre province, pour s’associer à celle des Sires de fleurs de lis, un personnage sympathique de l’histoire. Quelle vie accidentée, quelle brillante image des âpres existences du seigneur féodal ! À vingt ans, il a guerroyé un peu partout, assisté à des sièges, s’est distingué à Cocherel, à Auray. La comtesse Marguerite l’ayant nommé capitaine général de la province, gardien des marches et frontières, il taille en pièces les malandrins ; puis, avec les sires de Chalon, de Granson, de Vergy, il fait aux Anglais une guerre implacable. À l’ancienne et imprudente tactique de la chevalerie, aux batailles, aux campagnes de parade succède une tactique nouvelle, embuscades, conquêtes faites sans bruit, pied à pied. En 1373, le roi de France confère à Jean de Vienne la charge d’amiral de France, l’appelle au conseil de régence institué en vue de la minorité de son fils ; bientôt il s’empare de Saint-Sauveur-le-Vicomte, après un siège de huit mois où il y eut de « vaillantes apertises d’armes, » ravage les côtes d’Angleterre, sert à table, suivant l’usage féodal, monté sur son destrier de guerre, au sacre de Charles VI, fait campagne en Flandre, s’empare de Gravelines qu’il livre au pillage et à l’incendie. Envahir l’Angleterre, donner la main au roi d’Ecosse, un si hardi projet parut très pratique à cet amateur de difficultés, et il sut le faire agréer au roi de France ; on lui attribuait cette parole : « Il est difficile de vaincre les Anglais hors de leur territoire, et facile de les vaincre chez eux. » Mais l’armée de l’amiral était trop faible, il