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l’Aderbaïdjan, de l’Adjem, de Scham, de Haleb, de l’Egypte, de La Mecque, de Médine et de Jérusalem[1].

Le potentat, héritier de tous ces titres, dont la plupart, hélas ! ressemblent fort aux dignités des évêques in partibus, est représenté à Smyrne par un pacha qui est vali (lieutenant) et qui commande à tout le vilayet d’Aïdin, vaste contrée qui enserre dans ses limites assez peu précises les pays que les anciens appelaient la Lydie et la Carie, le Sipyle, le Tmolus et les larges vallées du Méandre, toutes pleines de la légende des dynasties fabuleuses et de la terreur des antiques religions. Les vilayets de l’empire turc sont aussi mal délimités que l’étaient autrefois les satrapies du roi de Perse et les thèmes de l’empire byzantin. Pour administrer le chaos de races diverses qui remue dans ce cadre mal défini, le vali a besoin de l’assistance de tout un corps de fonctionnaires[2].

La besogne du vali de Smyrne, s’il entend son devoir d’une façon nette et complète, est fort difficile ; Le gouvernement de ses coreligionnaires, l’entretien des mosquées, la surveillance des derviches qui, par leurs exaltations hérétiques, éveillent très souvent les défiances des ulémas, ne sont que la moindre part de ses soucis. Smyrne, comme autrefois Ephèse qu’elle a remplacée et annulée, est une ville internationale. Les étrangers, dès qu’ils ont quitté le paquebot des Messageries ou du Lloyd, font comme s’ils étaient chez eux. Les capitulations donnent aux consuls européens ‘des droits et des pouvoirs si étendus, que leur autorité contrebalance, en beaucoup d’occasions, celle du gouverneur. Les

  1. Voir le texte de la réponse de Soliman le Magnifique à l’envoyé de la comtesse d’Angoulême pendant la captivité de François Ier. (Hammer, Histoire de l’Empire ottoman, t. VI, p. 11.)
  2. Le mouavin (adjoint) remplace le gouverneur-général en cas d’absence ; le defterdar s’occupe de la comptabilité et des finances, choses encore plus mystérieuses en Turquie que partout ailleurs ; le mektoubji remplit les fonctions de secrétaire-général ; l’edjnebi mudiri s’intitule sur sa carte, en français, « directeur des affaires politiques ; » le zira’ at muffetichi est préposé à la surveillance de l’agriculture et du commerce, source inépuisable de bakchichs ; le bach muhendici a les attributions de nos ingénieurs en chef ; le defteri-hakanivin evraq mudiri conserve les archives ; l’emlak mudiri est le chef des bureaux du cadastre et du recensement ; l’okaf mudiri s’occupe de l’administration des biens ecclésiastiques. Enfin, l’alaybey commande aux 300 gendarmes à cheval et aux 1,800 gendarmes à pied du vilayet. — Un conseil administratif assiste le gouverneur-général ; il se compose du hâkim, chef de la magistrature musulmane, du moufti, chef de la religion, du defterdar, du mektoubji, des représentons des communautés orthodoxe, arménienne schismatique, catholique, israélite et de quatre autres membres dont deux sont élus par la population non musulmane. — Ce n’est pas une tâche aisée que de diriger cette armée de fonctionnaires et de conseillers, dont la plupart, il faut bien le dire, sont très sensibles à l’appât du bakchich, pourboire presque officiel, que l’on reçoit et que l’on donne, en Orient, presque sans se cacher.