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au grand jour la discrète légende du capitaine Villadiégo et de la princesse tarasque Atzimba, curieux prélude de la conquête du Michuacan. J’ai, cette fois, été devancé dans cette tâche par un des modernes fils de cette belle contrée, l’érudit américaniste don Eduardo Ruiz. Mais, reprenant les documens nouveaux qu’il a recueillis pour les tisser avec ceux déjà connus et qu’ils éclairent, je veux tenter, à mon tour, de rendre à l’histoire une de ses pages demeurée mystérieuse, pour l’intelligence de laquelle les préliminaires qui précèdent étaient non-seulement nécessaires, mais indispensables.


I

En 1521, c’est-à-dire à l’heure où Hernand Cortès débarquait à Vera-Cruz, régnait sur le royaume de Michuacan le roi Tzimtzicha, autrement dit « celui qui édifie des forteresses. » Fils de Siguangua le Vaillant, Tzimtzicha, déjà âgé de plus de quarante ans, était, rapporte l’histoire, silencieux, hypocrite, fanatique. Assez indifférent aux principes moraux de sa religion nationale, il se montrait, en revanche, très soucieux de ses pompes extérieures. Un des premiers actes de sa puissance fut de mettre à mort quatre de ses frères dont il redoutait l’influence, dont il déplora ensuite le supplice avec une feinte douleur, en l’imputant à l’un de ses ministres.

Tzimtzicha apprit l’arrivée des Espagnols au Mexique, puis leur audacieuse marche sur Mexico, par des ambassadeurs qui, au Dom de Moteuczoma II d’abord, puis de Cuanhtémotzin ensuite, vinrent lui proposer une alliance contre ces étrangers, dans lesquels il fallait voir des ennemis communs. Si Cuanhtémotzin eût réussi à grouper dans une ligue défensive toutes les nations qui entouraient son empire, la conquête du continent américain, au moins sur ce point, eût certainement été retardée. Mais la haine qu’inspiraient les Aztèques à leurs voisins était si violente qu’elle l’emporta partout sur la raison. Après avoir un moment vacillé, cédé aux conseils des chefs de ses guerriers, qui souhaitaient se mesurer avec les envahisseurs, Tzimtzicha licencia brusquement l’armée de secours qu’il avait réunie et se tint neutre.

Les événemens, vers l’Atlantique, se succédèrent aussi rapides qu’inattendus, et l’établissement des Espagnols à Mexico, s’il parut laisser leur souverain indifférent, inquiéta beaucoup les Tarasques. Il les eût inquiétés bien davantage s’ils eussent su que Cortès, tout en s’occupant de la réorganisation de sa conquête, ne les perdait pas de vue. L’habile politique recevait des renseignemens de plus en plus précis sur les richesses agricoles et minières