Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 117.djvu/205

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cordillère. Au nord, il avait pour limite la rivière de Lerma qui, vers l’est, prend le nom de Rio Grande. À l’ouest, comme au nord-est, une simple ligne le séparait de la province de Mexico. Plus à l’ouest encore il touchait à celle de Guadalaxara, et au nord-nord-est il était baigné par les eaux bleues de la Mer du Sud, de l’Océan-Pacifique.

Au résumé, le Michuacan, — ce nom signifie « terre poissonneuse, » — se trouve sous la zone torride. C’est une contrée fertile composée de prairies arrosées par de nombreux ruisseaux, alternant avec des bois aux essences variées. Sur toute son étendue, sauf sur les bords de la mer, le climat de ce beau pays est sain. À l’époque où Cortès se mit à le convoiter, le royaume de Michuacan, véritable terre promise, était occupé par trois races d’hommes qui, successivement, l’avaient envahi et s’y étaient superposées, sans s’amalgamer.

Le dernier venu de ces peuples, les Tarasques étaient les véritables maîtres du pays. Leur origine péruvienne est attestée par leur langue, leurs coutumes et leur religion, car ils adoraient le soleil. Le roi alors régnant, Tzimtzicha, était fils d’un souverain qui, ayant vaincu une des armées de Moteuczoma I, avait, par ce fait d’armes, acquis une grande renommée.

La civilisation des Tarasques, par certains côtés, dépassait en raffinement celle des Aztèques. Bien qu’ils sacrifiassent, comme ces derniers, des victimes humaines à leurs dieux, ils étaient cependant moins cruels. Les classes supérieures de cette nation croyaient à l’existence d’un Être suprême infiniment sage, base des choses créées ou à créer, et dont l’intermédiaire, pour communiquer avec les hommes, était une divinité qui ne se reposait jamais et qu’ils nommaient : Nanacuérappéri, « Mère-nature. » C’était là une force parfaite qui existait dans l’éternelle immensité du temps, qui avait pour mandataires le soleil et la lune, et que les Tarasques matérialisaient dans la constellation de la Croix du sud.

Mais ce n’est pas l’histoire du Michuacan que je veux raconter, c’est une légende d’amour datant de l’époque de sa conquête par les Espagnols. Elles sont rares, ces tendres aventures, car le vaillant chroniqueur-acteur de cette poignée d’héroïques soldats, Bernai Diaz del Castillo, s’est plus occupé de mettre en évidence les grands coups d’épée de ses compagnons d’armes que les faiblesses de leurs cœurs. Ils en ont eu pourtant, et, ici même[1], j’ai montré l’importance historique des rapports de l’Indienne Marina avec Hernand Cortès. Aujourd’hui, je veux tirer de l’ombre, ramener

  1. Voyez la Revue du 1er janvier 1887.