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vous attend, si les attentats des factieux sont partout impunis ; si les injures particulières acquièrent toute l’énergie, toute la puissance des intérêts publics ; si la liberté des actions, des écrits, des paroles, ne consiste que dans la fureur ? .. Si cette coupable cohorte des ennemis publics n’est bientôt réprimée, craignez, messieurs, que les violences faites à l’administration ne se répètent sur la législation, craignez que tant d’atteintes portées à l’ordre public n’en détruisent les élémens… Que l’ordre et la paix se rétablissent dans cet empire par la toute-puissance des loix ! Qu’elles frappent enfin sur les têtes coupables ! .. Que toute audace se taise ou soit punie ! Que les mouvemens populaires se calment ou qu’ils soient réprimés ! Que le pouvoir exécutif reprenne son action et sa vigueur, qu’il existe par vos soins une autorité protectrice de la liberté et de la sûreté de tous… Il n’y a ni administration ni officier public qui puisse remplir ses devoirs et se mêler de gouvernement,., tant que chaque partie du peuple se croira la nation et autorisée comme telle à exercer la souveraineté, qu’elle ne peut exercer elle-même que par ses représentans. Cette liberté qui nous est si chère n’existera que lorsqu’il y aura un gouvernement ; car la liberté des outrages et des violences de toute espèce est une affreuse servitude qui avilit, qui corrompt tout ce que nous voulons régénérer… »

Le comité des rapports, chargé d’ouvrir une instruction sur la sédition du 1er décembre, venait de commencer l’enquête destinée à éclairer le jugement de l’assemblée sur cette affaire, lorsque des lettres officielles, venues de Toulon, apprirent que, le bruit de la prochaine arrivée d’une flotte anglo-hollandaise s’étant répandu dans la ville, « le peuple a voulu se mettre en défense, il a resserré plus étroitement les officiers détenus et il en a pris occasion de rester en armes[1]. » La nouvelle était fausse : les dernières dépêches reçues d’Angleterre par le ministre de la marine ne signalaient dans la Méditerranée que la présence d’un seul vaisseau anglais de cinquante canons[2]. Malouet proposa que le président fût autorisé à écrire à la municipalité « que l’assemblée voyait avec inquiétude l’insurrection du peuple et qu’il n’y avait ni complot, ni escadre[3]. » Cette simple motion fut aigrement combattue par Robespierre, sous prétexte qu’elle contenait « un blâme contre le peuple, » et ne tendait « qu’à surprendre un décret qui préjugerait la décision de l’assemblée sur une affaire des plus importantes. » Incidemment, il reprocha au commandant de la marine d’avoir « soutenu ses soldats avec audace, d’avoir voulu

  1. Moniteur du 15 décembre. — Séance du 14.
  2. Archives de Toulon. — Lettre de Malouet à la municipalité, de Paris, le 14 décembre.
  3. Moniteur du 15. — Séance du 14.