Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 117.djvu/164

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bénéfice. L’État mettra les voies ferrées au service des intérêts publics et notamment des intérêts économiques, et les résultats qu’il obtiendra feront de son administration un lumineux exemple de progrès et de conduite pour toute l’Europe. »

« Et maintenant, messieurs ? Le gouvernement doit déclarer que, faute d’argent, il n’est pas en état d’accomplir ce qu’il a reconnu nécessaire pour les intérêts du pays. — Cependant, c’est une belle somme que les 145 millions de marcs[1] que nous avons en recettes nettes dans notre budget de chemins de fer, en dehors des intérêts et de l’amortissement du capital d’établissement. Personne ne se douterait, d’après ce chiffre, que nos chemins de fer font de mauvaises affaires. Si nous avions à la place de l’État une compagnie privée qui réalise un tel bénéfice, je suis convaincu que le représentant du gouvernement et des intérêts publics, le ministre des chemins de fer, saurait contraindre cette compagnie à faire ces mêmes réductions de tarifs que l’État estime ne pouvoir accorder aujourd’hui. »

Nous ne partageons pas, pour notre part, l’opinion de ces orateurs sur l’opportunité de réformes radicales en matière de tarifs, et, par suite, les critiques que nous venons de reproduire ne nous paraissent pas justifiées. Certes il y a une opposition absolue entre le programme de 1879, qui tendait au socialisme d’État, et la ligne de conduite observée par l’administration, qui est plutôt celle d’une compagnie privée ; mais il n’y a pas lieu, selon nous, de blâmer le gouvernement de ce changement de front, car sa conduite nous paraît infiniment plus sage que ses promesses. Il n’en est pas moins intéressant de constater que les réclamations et les critiques n’ont pas désarmé depuis que les chemins de fer sont exploités par l’Etat, et en second lieu, que si celui-ci a donné certaines satisfactions au public, c’est exclusivement en suivant les principes d’une tarification commerciale, autrement dit, en imitant l’exemple des compagnies privées.


II. — L’ADMINISTRATION FINANCIERE DU RESEAU.

Une question non moins importante et aussi controversée que celle des tarifs est celle de la gestion financière du réseau depuis son rachat. L’État a-t-il exploité plus économiquement que les compagnies qui l’avaient précédé, et que celles qui ont continué à administrer les chemins de fer dans les autres pays ? Quels

  1. Environ 180 millions de francs.