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l’article 45 de la constitution de l’empire. Cette non-différenciation des tarifs constitue une infériorité marquée du système allemand, d’autant plus que dans ce pays, par l’effet des situations géographiques, les marchandises ont souvent de très longues distances à parcourir pour arriver sur les lieux de consommation ; c’est ainsi que les produits de la culture dans l’est de la Prusse, ceux de l’industrie dans l’ouest et le sud, ont à effectuer des parcours de 1,000 kilomètres et plus pour arriver sur certains marchés. Or, les prix des tarifs normaux, supportables à de courtes distances, deviennent extrêmement lourds et même prohibitifs aux grandes ; les grains, la farine, le pétrole, les machines, etc., ne peuvent supporter des prix variant de 580 francs à 760 francs pour le transport d’un wagon de 10 tonnes à 1,000 kilomètres, et doivent par conséquent avoir recours à la voie d’eau si la région en possède, ou, dans le cas contraire, être expédiés exclusivement à de courtes distances. D’après l’ouvrage déjà cité de M. Braesike, le transport de marchandises qui ne bénéficient pas de tarifs spéciaux très réduits ne se fait guère, en Prusse, plus loin que 300 kilomètres ; et au-delà de Zi00 kilomètres, il cesse complètement. Ce n’est que grâce à des tarifs exceptionnels particulièrement bas, établis au départ des principaux districts de production, que le charbon peut utiliser la voie de fer jusqu’à 900 kilomètres. Il est, d’ailleurs, remarquable de constater que sur un réseau comme celui de l’État prussien, qui embrasse près de 25,000 kilomètres sans solution de continuité, le parcours moyen des marchandises n’est que de 120 kilomètres, tandis que sur les chemins de fer français, partagés eu réseaux dont l’étendue varie entre 3,000 et 7,000 kilomètres et dont la statistique individuelle n’accuse souvent qu’une fraction du parcours total des marchandises, la distance moyenne des transports est de 140 kilomètres.

Cette situation défavorable a provoqué de tout temps les réclamations du public allemand ; l’administration elle-même en a si bien reconnu les désavantages qu’elle a introduit le principe de la différenciation dans la plupart des tarifs exceptionnels créés depuis 1880 ; mais elle a toujours résisté aux demandes tendant à son application générale dans la tarification. Récemment encore, dans la séance du Landtag prussien du 20 février 1892, M. le député Tiedemann, rapporteur du budget des chemins de fer de l’Etat, s’exprimait ainsi : « Si nous appliquions d’une manière générale le mode différentiel, et si nous entreprenions ainsi des réductions d’ensemble dans nos tarifs, cette mesure viserait non-seulement les relations pour lesquelles elle peut être féconde, mais aussi celles pour lesquelles elle ne présente aucun avantage. Or, nous devons, par raison d’économie, n’entreprendre de réductions que