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économique ; mais, en outre, débarrassé de toute considération d'intérêt particulier, il n'envisagerait les voies ferrées que comme un instrument de prospérité générale ; au lieu de chercher à en faire une source de bénéfices, il s'appliquerait constamment, tout en restant dans les limites d'une sage administration financière, à développer le réseau, à améliorer le service et à réduire les tarifs.

Certes, voilà un brillant programme, qui est bien celui que les socialistes d'État se plaisent encore aujourd'hui à faire miroiter à nos yeux. Reste à savoir si cet idéal est devenu en Prusse une réalité et si la ligne de conduite, tracée par le gouvernement à la veille du rachat, a été suivie de point en point. Les grandes réformes annoncées ont-elles été faites ? L'exploitation des chemins de fer prussiens a-t-elle été dirigée, comme on l'avait promis, en vue des seuls intérêts économiques du pays et en dehors de toute considération de fiscalité ? On serait tenté de le croire, en France, si l'on ajoutait foi aux affirmations qui y ont été produites à diverses reprises. Mais les débats retentissans qui ont eu lieu dans ces dernières années au parlement prussien ont dissipé cette légende et permis d'apprécier exactement la situation. L'occasion semble donc propice pour se rendre compte de ce qui a été réellement fait, depuis l'époque du rachat, au double point de vue économique et financier. Tel est l'objet de cette étude, dans laquelle seront envisagées successivement la question des tarifs et celle de l'administration financière du réseau.


I. — LES TARIFS.

Le programme de 1879, que nous venons d'esquisser à grands traits, montre suffisamment quel était, en matière de tarifs, le but que les promoteurs de l'exploitation par l'État se proposaient d'atteindre. En passant brièvement en revue les réformes qui ont été effectuées depuis cette époque, nous allons voir dans quelle mesure elles ont répondu aux déclarations du gouvernement et à l'attente du public.

La première, et de beaucoup la plus importante, de ces réformes est celle qui a été apportée dans la tarification des marchandises en 1878, c'est-à-dire au moment même où commençait le rachat des réseaux privés. Elle a souvent été appréciée d'une manière inexacte, notamment lorsqu'on lui a prêté le caractère d'une réduction générale des tarifs, due à l’initiative de l'État. Pour mettre en évidence sa véritable portée, il est nécessaire de remonter à ses origines.