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plantes, elles vivent toutes sur les réserves de la graine ; mais dès le 13 juin, toutes les plantes qui ont reçu la délayure de terre deviennent d’un beau vert. Dans les vases qui n’ont rien reçu, quelques pieds sont excellens, tandis que d’autres jaunissent comme ceux des pots stérilisés. Vers le milieu du mois, ces derniers périssent. Enfin, au moment de la récolte, aucun des vases qui a reçu la délayure de terre ne donne au-dessous de 16 grammes de récolte sèche, le maximum étant de 20 grammes, tandis que les vases sans délayure fournissent les récoltes les plus disparates, une très bonne, deux bonnes, deux passables, le reste médiocre ou même nul.

Les expériences répétées les années suivantes donnent des résultats semblables. Toujours la délayure de terre exalte la végétation du sainfoin, des lupins, des pois, tandis qu’elle n’exerce aucune action sur l’orge, l’avoine, le sarrasin, le colza, etc. Quelle est donc l’action qu’exerce cette délayure de terre ? Que renferme-t-elle qui lui donne une si merveilleuse activité ? Un être vivant, car si on la porte à l’ébullition pendant quelques minutes avant de la verser sur la terre, elle perd toute vertu et n’agit pas plus sur les légumineuses que sur les autres espèces.

Cet être vivant, enfin, ne manifeste-t-il pas sa présence par quelques signes extérieurs ? Si vraiment. Les botanistes, notamment M. Prilleux, inspecteur-général de l’enseignement agricole, avaient observé depuis longtemps que, lorsqu’on déterre avec précaution les légumineuses, on voit les racines irrégulièrement couvertes de petites nodosités, de petits tubercules, de la grosseur d’une tête d’épingle. Ecrase-t-on ces nodosités sur une lame de verre, de façon à examiner au microscope leur contenu, on le voit rempli de corpuscules allongés, souvent bifurques, peu mobiles. Ce sont des bactéries.

Ce qui appartient en propre à MM. Hellriegel et Wilfarth, c’est la liaison entre l’emploi de la délayure de terre et l’apparition des nodosités ; ces éminens observateurs ont parfaitement établi que si dans un sol ensemencé en pois, ou en lupins, on ajoute de la délayure de terre, les plantes prospèrent et leurs racines se couvrent de nodosités ; que si on ajoute cette délayure après l’avoir chauffée, les plantes pâtissent et meurent, mais qu’aucune nodosité n’apparaît sur les racines. C’est donc à la présence de ces nodosités, à l’existence, dans ces petites protubérances, des microbes qui les peuplent, qu’il faut faire remonter la prospérité des légumineuses semées dans un sol dépourvu d’azote combiné. C’est à la présence, dans l’eau de lavage de la terre, des germes des bactéries productrices des nodosités, qu’il faut attribuer la fixation de l’azote libre.