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servante. La décoration de la partie du temple où elles sont admises n’est pas faite d’ailleurs pour éveiller des pensées pieuses.

Hérondas fait donc une peinture familière d’un sacrifice d’action de grâces à Esculape. Il y joint, — et c’est même le sujet principal, — une description partielle du trésor artistique que possédait le temple de Cos, ou plutôt il s’amuse à dire les naïves impressions produites sur des spectatrices fort étrangères aux choses de l’art. Une scène analogue des Syracusaines a été rappelée plus haut. Les figures brodées sur les tapisseries qui ornent la cour du palais de Ptolémée y provoquent de même une admiration dont l’expression est d’un effet comique. La première idée remonte peut-être jusqu’à Sophron, dont les Femmes aux fêtes de l’Isthme étaient imitées dans les Syracusaines. Chez les femmes d’Hérondas, la vulgarité est plus marquée que chez celles de Théocrite. Elle ressort par leur langage, surtout par celui de l’une d’elles, qui paraît venir pour la première fois, conduite par sa compagne : « Ah ! ma chère Cynno, les belles statues ! Quel est l’artiste qui a travaillé ce marbre et quel est celui qui a fait les frais ? — Les fils de Praxitèle ; ne vois-tu pas ce qui est écrit sur la base ? C’est Euthia ? , fils de Praxon, qui a fait les frais. — Que Paeon soit propice à eux et à Euthias pour ces belles œuvres ! » Un peu plus loin, elle s’écrie : « Par ma foi, un jour les hommes en viendront à mettre la vie dans les pierres. » C’est l’expression de la vie et la représentation de la vérité matérielle, et non pas les beautés-de la forme et les délicatesses de l’art qui la frappent. « Vois, ma chère, là-haut cette jeune fille qui regarde une pomme : ne dirait-on pas que, si elle ne la prend, elle rendra l’âme à l’instant ? » Ailleurs, elle voit un enfant nu. « Cynno, si je pique la peau de cet enfant, le sang ne viendra-t-il pas ? .. » Et, près de lui, elle admire aussi des viandes agitées par l’ébullition et une pincette d’argent « dont la vue ferait sortir les yeux de la tête à Myellos et à Pataeciscos (deux voleurs célèbres), car ils la croiraient réellement en argent. » Un bœuf que l’on conduit au sacrifice l’effraie par le regard oblique de son œil ; elle « crierait, si elle ne se retenait par convenance. »

Ce dernier ouvrage est d’Apelle ; on a pu remarquer tout à l’heure le nom de Praxitèle et la mention de ses fils, sculpteurs comme lui. Les compatriotes d’Hérondas avaient le plaisir de retrouver dans ces descriptions les œuvres bien connues qui ornaient le célèbre temple de leur ville. Cette source d’intérêt a disparu pour les lecteurs modernes, même pour les archéologues, qui n’ont pas sous les yeux les œuvres décrites et cherchent en vain, faute de renseignemens, à rapporter les descriptions à leurs modèles. On ne peut reconnaître avec vraisemblance qu’un groupe de Boëthos, mentionné par Pline : un Enfant étranglant une oie. Le