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poussière de cristal. À certains angles, la lave vitreuse a jailli, et s’est solidifiée immédiatement à l’air, formant d’épais faisceaux de prismes, qui semblent l’ébauche équarrie des piliers trilobés d’une nef.

La Fontaine, qui aimait les bêtes, a chanté le dithyrambe des castors :


La république de Platon
Ne serait rien que l’apprentie
De cette famille amphibie.
Ils savent en hiver élever leurs maisons,
Passent les étangs sur des ponts,
Fruit de leur art, savant ouvrage ;
Et nos pareils ont beau les voir,
Jusqu’à présent, tout leur savoir
Est de passer l’onde à la nage.


Depuis deux cents ans, cet hommage reste vrai ; les carrioles de l’État passent à gué la plupart des cours d’eau du Parc, et les castors passent à pattes sèches le Beaver Lake (lac des Castors).

Au pied des Obsidian Cliffs, la rivière Green Creek s’étale, s’engourdit, s’arrête, comme obstruée par un obstacle. Ce sont les castors qui ont abattu les chênes des environs, cimenté de leurs queues des digues gracieusement dessinées, et créé, dans le site le plus ravissant, un lac artificiel à leur usage. De hautes montagnes abritent le vallon ; des arbres vigoureux ombragent sur les rives des légions de grues, d’oies sauvages, de martins-pêcheurs, d’orfraies ; toute la flore de la Yellowstone s’y épanouit en fleurettes de toutes nuances, et la brise ride doucement le lac, dont émergent les huttes arrondies des intelligens quadrupèdes.

Après le pays de Verre, on entre dans la région volcanique où fusent les geysers. Des flocons de fumée, des nuages de vapeur s’élèvent et se traînent au-dessus des forêts prochaines, comme si des quantités de locomotives traversaient ces bois, ou comme si l’on approchait d’une région industrielle remplie d’usines. On songe aux collines de la Sambre, où les fumées des fonderies et des hauts-fourneaux voltigent au-dessus des bois de Hourpes et de Landelies.

Le Parc renferme cinq ou six grands plateaux volcaniques, que creusent une quantité considérable de geysers. On a compté jusqu’à dix mille cratères d’eau chaude jaillissante, sourdissante ou stagnante sur les bords des rivières Gibbon, Madison, Firehole, Lewis. Il y a de grands geysers au bassin Norris, près le parc des Elques, aux bassins Supérieur et Inférieur, aux bassins du lac Shoshone, du lac Heart, sans compter les