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cadastres possibles, puisque l’agriculture est dans une perpétuelle révolution, et que ses mouvemens, assez brusques, mettent toujours les statistiques en retard.

Pour les anciens cadastres, ou « allivremens, » ce reproche est exagéré ; on les renouvelait de temps en temps ; ils n’étaient pas aussi immobiles que l’on a dit. Le terrier dont la Bourgogne fait usage, au milieu du XVIIe siècle, date de 1486 ; mais il a été plusieurs fois modifié. Il n’est pas moins bien tenu en Gascogne et en Béarn ; la situation des fonds dominans et servans est nettement définie. L’ « affouagement, » ou cadastre, est fait par la Provence en 1471, en 1542, en 1633, en 1655 ; une commune qui s’estimait lésée pouvait toujours obtenir que le cadastre fût refait à nouveau chez elle. Il y aura dans ces régions plus de chance qu’ailleurs de voir aboutir les enquêtes que l’on tentera au XVIIIe siècle, et si l’intendant demande aux paroisses, par une circulaire taillée sur le même patron que celles de nos préfets actuels, de lui faire connaître « la contenance de leur territoire, leur population, leurs ressources agricoles et manufacturières, » etc., il peut espérer obtenir quelques-uns de ces renseignemens.

De même en Languedoc, où les estimations, les « livres d’estime, » sont dressés dans chaque commune, sous la surveillance des consuls et des habitans, par un maître arpenteur et un notaire, aidés de quatre « experts en agriculture, » hommes du cru, élus par leurs concitoyens. Là aussi ces cadastres et terriers sont souvent refaits à nouveau ; c’est une dépense qui revient fréquemment dans les délibérations des « jurades. » Il est vrai que chaque localité y ayant procédé à ses frais, pour son usage intérieur, et au moment qui lui plaisait, l’opération n’a aucun caractère universel, aucune base fixe. Pourtant les différences que l’on constate dans le tarif, d’un terroir à l’autre, tiennent plutôt à la qualité du sol qu’à des appréciations divergentes. Partout, l’ « estime » officielle divise les terres en « bonnes, moyennes, faibles et infimes. »

Mais combien y a-t-il, dans chaque paroisse, de sol employé et de sol inutile ? Voilà ce qui serait intéressant à savoir et ce que tous ces documens ne nous disent guère. Une paroisse de l’Aisne, Chéry, qui se compose au moyen âge de 64 maisons, dont six exemptes de corvée, contient 820 hectares de terre labourable, 17 de vignes, 4 de jardins, 4 de prés. Ce dernier chiffre montre la faible superficie des prés particuliers, les seuls où l’on récolte du foin, — un demi pour cent de la surface des labours ; — il est intéressant à relever en ce temps où chacun se servait des pâtures communes. De ces pâtures indivises, l’étendue n’est pas indiquée ; les maisons et leurs dépendances occupent quatre hectares, les