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convenablement traitée. Il ne s’agit ici que de crayonner la physionomie de ces anciennes campagnes, dont l’aspect s’est si fort modifié dans le temps présent.

Cette esquisse ne peut être appuyée d’aucune statistique, et il n’y a lieu d’indiquer de chiffre positif pour aucune époque, ni sur la proportion des bonnes, des médiocres ou des mauvaises terres, ni sur le nombre des hectares cultivés par rapport à ceux qui demeuraient incultes, ni sur la superficie respective occupée par les diverses exploitations du sol : labours, prés, bois, vignes, etc. Il existait bien un « prévôt grand maître mesureur et arpenteur général de France, » créé par édit spécial, mais il n’y avait pas de cadastre, du moins pour les trois quarts du royaume, jusqu’en 1789. Le gouvernement avait toujours reculé devant la dépense, et les populations accueillaient fort mal toute tentative de recensement foncier, qui leur paraissait receler quelque projet de taxe nouvelle.

Les États de Normandie apprennent, en 1630, qu’un individu, « disant avoir commission du roi, » veut dresser dans la province un « état au vrai de la valeur des bénéfices et des fiefs, ensemble de la quantité des terres labourables et autres de chaque paroisse. » Les trois ordres sont unanimes à s’y opposer, « craignant que ce ne soit dans l’intention de faire tomber quelque grande calamité sur le pays. » On ne trouverait ainsi, dans le Nord ou le Centre, aucun travail d’ensemble ; tout au plus quelques échantillons d’arpentement, effectués pour le compte de particuliers qui s’en étaient payé le luxe. L’exécution du plan cadastral du duché de Richelieu devait durer six ou sept ans et coûter au propriétaire 1,000 ou 1,200 écus par an ; ce qui représentait, en tenant compte du pouvoir de l’argent, un débours de 100,000 francs de notre monnaie.

Au contraire, dans les provinces de « tailles réelles, » où la contribution directe était un impôt foncier semblable au nôtre, au lieu d’être, comme dans les provinces de « tailles personnelles, » un impôt sur le revenu analogue à la capitation turque ; en Languedoc, Gascogne, Provence ou Dauphiné, en Bourgogne ou Bretagne aussi, dans les pays d’États enfin, il existait de toute ancienneté deux terriers ou compoix, l’un invariable, pour les biens-fonds, l’autre, dit cabaliste, pour les biens meubles, susceptible de modifications annuelles. Le reproche que l’on a adressé aux cadastres qui servaient de base à la « taille réelle, » de n’être pas révisés en temps voulu, c’est-à-dire fort souvent, s’adresse au cadastre actuel, qui n’était pas encore achevé à un bout de la France, que déjà il avait cessé d’être exact à l’autre bout. Il s’adresse à tous les