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sa diplomatie en Italie et à Rome[1], à alarmer le sentiment national par les complicités et les défaillances de sa politique dans les affaires d’Allemagne, à inquiéter toutes les prévoyances par les déceptions cruelles et ruineuses de l’expédition du Mexique. Il n’avait pas été heureux dans sa politique extérieure. Par une confusion de plus, en même temps qu’il multipliait les fautes et qu’il déconcertait l’opinion, il se croyait obligé de l’apaiser ou de la désarmer par des concessions libérales toujours insuffisantes ou mal calculées. Après avoir régné par le silence, il rendait à demi la parole à la presse et à la tribune. Il rouvrait d’une main affaiblie une arène où les partis impatiens de leur long silence se précipitaient, où allaient reparaître des chefs d’opposition redoutables, où l’on se disposait à faire le procès du régime tout entier. L’empire, en un mot, commençait à ne plus être maître du pays, — depuis longtemps, il ne l’était plus de lui-même. Il touchait au point où il n’avait plus que le choix entre des extrémités également périlleuses : se laisser aller au torrent des revendications libérales qui menaçait de le submerger ; tenter de ressaisir par un nouveau coup d’État tout ce qu’il avait accordé, — ou chercher une diversion dans la guerre, dans une guerre qu’il prévoyait et à laquelle il ne s’était pas même préparé. C’est le « dé de fer du destin » qu’on jetait brusquement en l’air ! C’est la guerre qui l’emportait, — et avec la guerre, la ruine, l’invasion, l’empire en lutte, la république éclatant le 4 septembre comme le contre-coup de Sedan, — et après la tragique série des catastrophes, de nouvelles illusions et de nouveaux mécomptes.

Quand l’effroyable orage de la guerre étrangère et de la guerre civile eut passé sur nous, laissant la France vaincue, démembrée et ravagée, qu’allait-il arriver ? « Que ferez-vous de la France au lendemain de la paix ? » disait M. de Falloux à M. Thiers, qui venait de parcourir l’Europe en plénipotentiaire de nos infortunes et qui semblait déjà désigné pour être le conseiller, le guide d’un grand deuil public.

Tant que la guerre avait duré, on n’avait pas voulu y songer ; toutes les pensées se concentraient dans la lutte pour l’intégrité et l’honneur du pays. Sous le drapeau de la « défense nationale, »

  1. A un des momens les plus vifs des affaires italiennes et des conflits religieux, M. de Falloux, alors directeur de l’Académie, s’était rendu aux Tuileries pour soumettre à l’empereur une élection récente. Aussitôt, entre l’empereur et son ancien ministre, s’était engagée une conversation très animée, très bien conduite, que M. de Falloux rapporte tout au long. Le fond est nécessairement vrai et la sincérité ne fait pas question. Il est seulement toujours à craindre que M. de Falloux, avec son imagination, n’ait un peu arrangé la scène et distribué les rôles d’une façon peu avantageuse pour Napoléon III.