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beaucoup trop nombreuses aussi. Au sommet, au-dessus de l’attique supérieur, on voit Dieu le Père assis et bénissant entre deux anges qui tiennent des flambeaux. Dans les compartimens latéraux, la Prudence, la Justice, la Foi et l’Espérance se dressent en grandeur presque naturelle. Les allégories visent à une certaine noblesse classique qu’elles atteignent parfois, et si leur constant contraposto nous paraît maintenant systématique à l’excès, il faut cependant en reconnaître la nouveauté pour l’époque. La principale innovation toutefois, et qui a fait école, est dans la pose donnée par l’artiste à la statue du cardinal : le mort est représenté, non point étendu dans l’attitude du repos éternel, mais accoudé, un peu replié sur lui-même, et comme rêvant dans un sommeil passager… N’allez pourtant pas chercher je ne sais quelle pensée transcendante dans ce qui n’est au fond que la simple conséquence technique des proportions agrandies du monument. À mesure, en effet, qu’on, amplifiait et exhaussait les tombeaux, la figure placée sur le cercueil, et couchée tout au long sur le dos, devenait de plus en plus difficile à reconnaître, disparaissait même complètement aux regards. Pour obvier à l’inconvénient, certains artistes (Pollajuolo, entre autres, dans le cénotaphe d’Innocent VIII à Saint-Pierre) avaient déjà eu l’idée singulière de doubler la statue, de la donner à la fois couchée sur le catafalque et assise en vie sur un trône au-dessus. D’autre part, dans le projet gigantesque de Michel-Ange, Jules II était tenu a en suspens » tout en haut par des anges occupés à le déposer dans le sarcophage. Contucci a trouvé un expédient beaucoup plus facile, mais aussi un peu trop ingénu : tournée tout d’un côté et appuyée sur le bras, la figure ne se dérobait plus au spectateur, mais n’avait en revanche ni l’animation de la vie, ni la majesté imposante de la mort. Étrange monument funéraire qui n’éveille aucune pensée de tristesse ou de recueillement ! Ce n’est point le sommeil du juste que l’on croit contempler, mais bien la siesta du riche ; les vertus et les allégories semblent plutôt former le cortège d’un haut dignitaire, être là pour la pompe, nullement pour la prière.

Sansovino venait à peine de terminer le sépulcre de Sforza, qu’au commencement de l’année 1507 mourait le cardinal Girolamo Basso, évêque de Lorette, un des rares neveux de Sixte IV, qui eût pris le sacerdoce au sérieux et donné l’exemple d’une vie de dévotion et de sainteté. Jules II chargea aussitôt Andréa d’élever une tombe à son parent défunt : elle devait être le pendant du mausolée d’Ascanio et n’en fut en réalité que la copie. Rarement artiste s’est répété avec autant de désinvolture et a pris si peu de peine à varier son sujet. La même observation s’impose devant