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l’exécution en sera confiée à maître Andréa Contucci da Sansovino, artiste toscan peu connu jusque-là en Italie (il avait passé une grande partie de sa vie en Portugal), mais dont un groupe en marbre, — le Baptême du Christ, — venait de révéler tout récemment à Florence les rares et précieuses facultés.

C’était une œuvre remarquable en effet, et elle est restée le chef-d’œuvre de Contucci. À l’exemple de Michel-Ange dans sa Pietà, — et le premier à sa suite, si je ne me trompe, — Andréa s’est inspiré de la statuaire antique pour représenter un Christ nu et beau de corps ; il lui a donné en même temps une expression touchante de douceur et de recueillement, la seule expression, après tout, et quoi qu’on ait dit, qui convient à Jésus dans cet acte du baptême. À l’encontre du fils de Dieu, la figure de saint Jean est rendue avec toute la vigueur réaliste de l’école de Donatello, on dirait même avec la fougue d’un Jacopo della Quercia : c’est bien l’homme du désert, le mangeur de sauterelles, à la chevelure hirsute, au geste inspiré, à la draperie superbement contournée. Le contraste est saisissant et admirablement justifié par le sujet même de la composition. Élève à la fois d’Antonio Pollajuolo, le naturaliste à outrance, et de Bertoldo, l’initiateur classique des jardins de Médicis, Andréa Sansovino a réuni dans son groupe de Florence, avec un bonheur surprenant et dans un équilibre parfait, les tendances qui se partageaient l’art toscan vers la fin du quattrocento. Ce bonheur, il ne devait plus le retrouver à Rome ; mais il y trouva la renommée, et c’est pour ses sculptures dans le chœur de Santa-Maria del Popolo qu’il est encore aujourd’hui le plus cité et célébré.

Le tombeau de Sforza est construit dans la donnée traditionnelle d’un monument adossé au mur, avec un sarcophage placé au milieu, dans une vaste niche qui rappelle les arcosolia des catacombes et en procède peut-être ; mais l’arcosolium, cette fois, devient un colossal arc de triomphe : on pense involontairement aux arcs de Constantin et de Septime Sévère du Forum. Le mausolée dépasse encore en ses masses et en ses richesses celui de Nicolas V et de Pie II ; il est divisé en plusieurs étages et compartimens ; des demi-colonnes ont été substituées aux anciens et simples pilastres ; colonnes, architraves, piédestaux et champs-plats sont couverts de coquillages, de festons, d’armoiries et d’une profusion d’ornemens. Très variés et délicats, ces ornemens ont seulement le tort de troubler l’œil et de détourner l’attention des figures,