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À l’intérieur, une demi-obscurité flotte, s’épaissit dans les profondeurs de la coupole, non pas triste, mais somptueuse, pénétrée de rayonnemens mystiques, et peu à peu, sur la concavité des parois, dans cette ombre glorieuse, l’œil démêle des dessins, suit l’enroulement des arabesques où s’attardent les lueurs que tamisent, presque éteintes, les bleus et les violets des verrières. D’abord une première région de larges fleurs entrelacées, noires sur l’or pâli des mosaïques qui luit doux et chaud comme du vieux cuir repoussé. Au-dessus, les mystérieuses fenêtres qui ne semblent pas donner sur le ciel extérieur, mais rayonner d’une lumière spéciale, intime. Tout en haut la coupole s’achève, se ferme dans une confusion de ténèbres dorées.

C’est l’intérieur d’un bijou, d’une cassette ouvragée, un monument où l’on ne sent plus la pierre, le bloc qui construit, mais ciselé à même dans des joyaux et du métal précieux.

Il y a quelque chose d’étrange dans ces verrières dont les couleurs changent à tous momens de nuance et d’intensité, dans cette sombre et mouvante lumière qui rayonne d’elles. Les somptueux vitraux de nos cathédrales n’ont pas ce mystère. Et peu à peu, à force de chercher, on découvre qu’en effet ces verrières ne sont point des vitraux, qu’au lieu d’avoir été tracées sur le verre, ces lumineuses arabesques ont été découpées dans une pierre en treillis profond. Derrière cet écran ajouré, à quelque distance, sont placés des carreaux de couleur que le jour traverse. Cela fait d’abord un amortissement très étrange des teintes, puisqu’elles n’arrivent que mêlées d’ombre, puisqu’on ne les aperçoit qu’emprisonnées au fond des innombrables étuis, de chaque petite lunette profonde que forme chaque feston du dessin. Et puis, à mesure que l’on se déplace, tandis que le dessin découpé dans l’écran reste invariable, on voit varier les couleurs, les bleus se changer en rouges et en violets. On les voit aussi s’allumer et pâlir suivant qu’à travers les carreaux et le treillis, le jour tombe normalement sur l’œil ou bien ne le frappe qu’après être venu s’éteindre sur les parois intérieures de ce treillis. De là ce jeu de lueurs surnaturelles, ce palpitant débat de nuit et de clartés. Telle verrière est en partie obscure et en partie rayonnante, ses fleurs et ses arabesques jettent çà et là des étincelles mystiques, finissent, on ne sait comment, dans l’ombre pâle de la pierre. Telle autre luit tout entière, mais si faiblement, comme faite de diamans doux, à peine bleutés, d’une couleur de myosotis mourans.

Rien de plus achevé que l’art qui nous transporte dans cette gloire confuse, dans ce fabuleux paradis de clartés d’or emprisonnées. Mais rien de plus abstrait que cet art, rien de plus